vendredi 11 septembre 2015

FOI ET INTELLIGENCE

Jésus et la Cananéenne

Lectures : Livre du prophète Osée, chapitre 2, versets 1 et 16 à 25
                        Epître de Paul aux Romains, chapitre 9, versets 1 à 8
                        Evangile selon Matthieu, chapitre 15, versets 21 à 28

            Dans le récit de la tempête apaisée, que Matthieu a relaté peu avant notre texte, le Seigneur avait qualifié Pierre, son apôtre, d'"homme de petite foi" (Mat. 14. 31). Ici, c'est une étrangère dans le désespoir qui vient à lui. Elle veut obtenir son secours. Au bout d'un  moment d'entretien, Jésus lui dit cette parole étonnante : "Ô femme ! Ta foi est grande. Qu'il te soit fait selon ton désir" (v. 28).

Voilà des paroles qu'on voudrait entendre plus souvent de la part du Sauveur. Voilà un récit qui se termine magnifiquement. Voilà une mère venue à Jésus dans le désespoir et qui s'en retourne, sa requête satisfaite. Voilà sa fille délivrée des griffes de Satan. Et tout cela parce qu'elle a cru à ce qu'elle avait entendu de Jésus. Elle a désiré se confier en Celui qu'elle connaît par son titre royal, ce qui suggère qu'elle aurait pu l'avoir déjà rencontré. Tenir pour vraies des paroles prononcées, mettre toute sa confiance dans Celui qui a le pouvoir d'intervenir à un moment donné, c'est cela la foi, brièvement définie.

            Mais en quoi la foi de cette Cananéenne est-elle grande ?  Pourquoi Jésus la qualifie-t-il ainsi ? Essayons ensemble de le comprendre. Je dirai qu'elle est grande au moins pour quatre raisons. D'abord, elle est grande par la persévérance. Comme moi, peut-être, avez-vous été choqués, dans un premier temps, par le début de la scène. Comme moi, peut-être, avez-vous été au moins étonnés par l'attitude du Christ. Car, pour le moins, on peut dire que ce n'est pas son habitude, lorsqu'on fait appel à lui, qu'il agisse comme il le fait ici. Cette mère crie : "Aie pitié de moi, Seigneur, fils de David, ma fille est malmenée par un démon" (v. 22). Mais le cœur de Celui qui est plein de compassion et de miséricorde semble fermé. Le grand Médecin n'intervient pas tout de suite. Le Sauveur reste muet. "Il ne lui répondit pas un mot" (v. 23). Il y a de quoi être troublé, dérouté par ce silence premier de Jésus. N'aurait-il pas envie, en apparence du moins,  d'accéder à cette requête ?

Mais la femme insiste. Son cri se prolonge, précise l'Evangile de Marc, jusque dans la maison où Jésus vient d'entrer. A tel point que les disciples sont dérangés ou peut-être inquiets par cette insistance si osée. Mais déjà, rappelez-vous (et Matthieu le relate un peu plus haut), lors de la multiplication des pains, ce miracle de la compassion de Jésus, ces mêmes disciples lui avaient dit : "Renvoie la foule !" (14. 15). De même ici ils disent à leur Maître : "Renvoie-la (même terme), car elle crie derrière nous !" (v. 23). Eux, vraiment, n'ont pas le même amour que le Christ.

Quand enfin il prend la parole, les mots qu'il prononce sont si durs qu'ils auraient pu repousser pour toujours cette femme en détresse. Au contraire, après avoir imploré la compassion du Fils de David, elle s'encourage et elle réclame maintenant son aide. Elle se prosterne devant lui. Elle lui dit : "Seigneur, secours-moi !" (v. 25).   Comme l'a écrit le commentateur Charles Rochedieu : "Ce n'est pas pour nous imposer le silence que Dieu se tait ou tarde à exaucer : malheur à qui se décourage !" La Cananéenne ne se décourage pas, au contraire, elle insiste, elle persévère, parce que sa foi est grande.
Mais la foi de cette femme est grande aussi par son intelligence. Elle s'efforce de comprendre. Faisons de même, essayons de saisir le sens de toute cette scène. En fait, si le Seigneur ne répond pas directement à celle qui se jette à ses pieds, c'est parce qu'il est saisi d'un sentiment de grande tristesse. Non pas seulement en face de cette étrangère, mais surtout à cause de son propre peuple. S'il refuse de prime abord une intervention en faveur d'une païenne, c'est pour faire réfléchir ses disciples. En effet, c'est à eux d'abord qu'il s'adresse pour rappeler sa vocation première : "Je n'ai été envoyé qu'aux brebis perdues de la maison d'Israël" (v. 24). Il veut éveiller une saine émulation parmi les siens qui, jusqu'ici refusent sa mission, son message, sa messianité. Les Juifs ont effectivement un privilège historique, comme nous l'avons lu tout à l'heure dans l'épître aux Romains. Mais tous n'ont pas su en bénéficier. Ils possèdent pourtant, en ce qui concerne le salut, une priorité, pas une exclusivité. L'apôtre Jean écrira : "Il est venu chez les siens, mais les siens ne l'ont pas accueilli" (Jn 1. 11). Et c'est ce constat qui pourrait bien faire, un fois de plus, les larmes de Jésus couler.

Peu avant sa mort, vers la fin de son ministère, d'autres étrangers, des Grecs, voulaient voir Jésus. Même réaction de sa part. Le texte ne précise pas, ni ce qu'il a pu leur dire, ni même s'il les a reçus à ce moment-là. Seulement le Seigneur est très remué intérieurement. Il s'adresse là encore à ses disciples. Il leur parle de sa mort toute proche. Il leur parle de la croix et de son retour au Père : "Quand j'aurai été élevé de la terre, dit-il, j'attirerai tous les hommes à moi" (Jn 12. 32). Le grand dessein de l'amour de Dieu est ainsi mis en lumière. Il avait fait la promesse de susciter parmi les descendants de David un Messie qui sauverait le monde. Mais ce Messie, rejeté, abandonné de tous, allait d'abord mourir pour les péchés de son peuple. Oui, le bon Berger allait donner sa vie pour ses propres brebis. Mais alors, comme il l'avait déclaré, il fallait qu'il amène aussi les autres, c'est-à-dire les non Juifs (cf. Jn 10. 16). Et cela, c'est la mission qu'il nous confie.

C'est pourquoi Jésus dit à la Cananéenne : "Il n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens" (v. 26). Et il ajoute, selon l'Evangile de Marc (7. 27) : "Laisse d'abord se rassasier les enfants." Elle ne veut pas aller à l'encontre de ce que le Tout-Puissant a décidé. Elle ne veut pas déranger l'ordre qu'il a établi. Elle accepte le déroulement d'une histoire, de l'Histoire. Elle reconnaît bien qu'il y a un peuple élu, les enfants, c'est-à-dire les Juifs en premier lieu. Elle voit bien qu'il existe entre eux et elle une différence d'origine. Elle a entendu la Parole du Christ, elle en a retenu chaque mot. Et elle rebondit : s'il y a un d'abord, il y a donc un ensuite et ce futur la concerne, elle personnellement, l'étrangère. Etonnamment, elle lui répond : "Oui, Seigneur !"  Elle a saisi. L'intelligence de sa foi lui a donné la compréhension du projet de Dieu. Plus que cela, elle comprend aussi que le pain du Seigneur, même si l'on n'en a que quelques miettes, est toujours excellent et bon à prendre. Comme quoi l'on a tort, ainsi qu'on le fait souvent, d'opposer la foi à l'intelligence. Celui qui prend garde à la Parole de Dieu et qui la scrute consciencieusement s'apercevra de sa grande cohérence.

Cependant la Cananéenne n'en reste pas là. La grandeur de sa foi se mesure aussi à son obéissance. Une chose est de comprendre la volonté de Dieu, une autre de lui obéir. Cette femme admet la réalité.  Elle accepte la parole de Jésus. Elle s'y soumet. Elle ne veut plus être appelée "petit chien." Mais elle a le désir de quitter sa condition et d'entrer dans la famille des enfants, car elle le peut. Et elle veut, par la foi, rejoindre ce peuple. Elle décide d'en faire partie, comme Ruth, la Moabite, qui disait à sa belle-mère israélite : "Ton peuple sera mon peuple et ton Dieu sera mon Dieu" (Ruth 1. 16). Comme cette autre Cananéenne, Rakhab, la prostituée, qui fut admise, par sa foi, dans le peuple de Dieu. Et l'on sait qu'elle deviendra même, comme Ruth d'ailleurs, l'une des ancêtres du roi David et donc de Jésus, fils de David. Ainsi la foi est obéissance et écoute. Elle "vient de ce qu'on entend et ce qu'on entend par la Parole du Christ" (Rom. 10. 17).

Avant de conclure, disons encore que la foi de cette femme est grande par son humilité. Elle concède qu'il n'est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens. Il y a donc chez elle une prise de conscience d'elle-même, de son identité, de sa différence. Je suis effectivement une étrangère. J'assume mon état. C'est vrai, je n'ai aucun droit ni aucun mérite pour réclamer quoi que ce soit. Pourtant l'amour de Dieu est si grand et sa grâce si abondante et si débordante que je me contenterai de quelques miettes ramassées sous la table. Et elle a raison, car, lorsqu'il s'agit d'un don de Dieu, le plus petit morceau est largement et pleinement suffisant. Aurait-elle déjà l'intuition que le Seigneur "fait grâce aux humbles" (Prov. 3. 34) ?

"Qu'il te soit fait comme tu le désires ! Va, le démon est sorti de ta fille" (v. 28). "Rentrée chez elle, elle trouve l'enfant étendue sur le lit : le démon était sorti" (Mc 7. 30). La foi de cette Cananéenne est récompensée. La parole de Jésus est accomplie. Il confirmait qu'il ne faisait pas de différence entre les personnes. Il faisait la démonstration de son amour et de sa toute-puissance pour délivrer cette petite et pour satisfaire la requête de sa mère.

Chers amis, si vous ne vous êtes pas encore rassasiés de quelques miettes de la grâce de Dieu, ne voudriez-vous pas le faire maintenant ? Ne voulez-vous pas comprendre aujourd'hui le projet de Dieu pour vous ? Ne voudriez-vous pas dès à présent connaître du neuf dans votre vie ? Alors dites comme cette femme "Aie pitié, Seigneur… Viens à mon secours !" Il vous donnera aussi une grande foi, persévérante, intelligente, obéissante et pleine d'humilité. En effet, comme l'a dit un homme de Dieu : "Rien ne glorifie plus Dieu que la foi, aussi Dieu n'honore-t-il rien autant que la foi."

Prédication du 17 août 2008 au temple du  Mont-Dore
               



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