Jésus et
l'ânon
"Le Seigneur en a besoin !" (Luc 19. 31, 34)
Lectures : Livre du prophète Zacharie, chapitre 9,
versets 9 à 10b
Epître de
Paul aux Philippiens, chapitre 2, versets 8 à 11
Evangile
selon Luc, chapitre 19, versets 28 à 38
Au cours de nos prières,
je pense que le mot que nous utilisons le plus, c'est bien celui de Seigneur. A
tel point qu'on pourrait presque dire que nous l'utilisons en vain ! Il est
vrai que nous ne nous rendons pas toujours bien compte de la portée de ce terme
et tout ce qu'il peut signifier. C'est un titre donné à Jésus et qu'il se donne
à lui-même dans le passage que j'ai choisi. Ce titre est chargé de sens et dans
un premier temps, j'aimerais en dégager au moins trois.
Le Seigneur, c'est
d'abord celui qui a l'autorité souveraine, celui qui a le droit de décider de
tout. On le voit bien dans ce récit de l'entrée de Jésus à Jérusalem. Il va
vivre sa dernière semaine. Il sait exactement pourquoi il arrive là aux portes
de Jérusalem. Il connaît tout ce qui l'y attend, l'opposition dont il sera
l'objet, la passion qu'il va subir et la mort qu'il devra souffrir. Mais auparavant, Il veut accomplir
ce qui est écrit à son sujet dans les Ecritures. Alors il orchestre tout pour
une entrée triomphale dans la ville sainte. Car il veut qu'on le reconnaisse
comme Seigneur et Roi, non pas comme un roi monté sur un cheval de guerre, mais
comme le Roi doux et humble dont a parlé le prophète Zacharie, un Roi chevauchant
un simple petit âne.
Son autorité est frappante : "Détachez-le et amenez-le-moi. Et si
quelqu'un vous demande pourquoi, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin" (Luc
19. 30-31). Et cela arrive exactement ainsi. On peut toujours supposer
que Jésus s'était entendu avec les
propriétaires auparavant. Mais ce n'est pas sûr. En réalité, il donne des
ordres comme un chef conscient de ses pleins pouvoirs. C'est lui qui commande.
Il écarte toute hésitation, il met de côté toute discussion. Il exige une
reconnaissance immédiate de sa volonté. Et voilà que nous sommes nous-mêmes
interpellés, nous qui l'appelons Seigneur. Quel degré d'obéissance lui
accordons-nous ? Une obéissance totale ou un semblant de soumission ? Une
obéissance immédiate, ou savamment et constamment repoussée ? A chacun de nous
de répondre à ces questions devant Dieu.
Si nous reconnaissons
au Seigneur le droit de nous commander, nous devons aussi le considérer comme
le maître de tout ce qui nous appartient. Les propriétaires de l'ânon semblent
l'avoir compris. Ils n'ont fait aucune difficulté pour mettre à la disposition
de Jésus leur ânon avec sa mère. En fait tout ce que nous avons ou ce que nous
croyons posséder, c'est le Seigneur qui nous l'a prêté. Car à lui appartiennent
toutes choses. Il est le Maître du monde entier. Comme l'apôtre Paul l'a écrit aux
Corinthiens : "La terre est au Seigneur et tout ce
qu'elle renferme" (I
Cor. 10. 26). Ou encore : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? (4. 6). Si
nous l'appelons Seigneur, alors laissons-le régner sur tout ce dont nous
disposons. Prenons garde de ne pas utiliser ce que le Seigneur nous a confié
comme si nous en étions les véritables propriétaires. Et s'il nous demande un
jour de lui donner ce que nous avons de plus cher même, ne le gardons pas
égoïstement pour nous-mêmes. Entendons cette parole dans notre cœur : "Le Seigneur en a besoin".
Mais qui
est encore ce Seigneur qui a besoin d'un ânon ? C'est celui que "la foule des disciples", comme il est écrit,
va acclamer comme Roi, celui à qui elle va rendre "hommage". J'emploie
à dessein ce terme qui vient, vous le savez, d'une cérémonie qui se passait au Moyen-âge
entre le suzerain et son vassal. Celui-ci, à genoux et en armes, posait ses
mains jointes dans celles du suzerain et se déclarait son "homme".
Après avoir relevé son vassal, le seigneur lui donnait un baiser sur la bouche.
Puis, debout, le vassal prêtait serment de fidélité. Il était lié au suzerain
pour toujours. De son côté, le suzerain devait à son vassal aide et protection.
C'est cela reconnaître la seigneurie de Christ. Aujourd'hui on a quelque peu
oublié le sens de cette dépendance vis-à-vis d'un supérieur. On a tendance à
rejeter toute autorité, toute hiérarchie. On se plaint d'un pouvoir subi, d'une
soumission forcée. Vis-à-vis du Seigneur, il faut redécouvrir une soumission
consentie, acceptée et joyeuse. A l'image de celle du Christ qui, en entrant
dans le monde, déclare : "Tu m'a formé un corps... Alors j'ai dit : Je
suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté" (Héb. 10. 5, 7, 8).
Revenons à notre texte
: Jésus, en disant : "le Seigneur en a besoin" se place
tout au haut de l'échelle. Pour se désigner, il utilise le nom qui fut révélé à
Moïse et que les Israélites donnaient à Dieu. N'osant pas le prononcer, de peur
de le faire en vain, ils le remplaçaient par le mot Seigneur. C'est ce qu'ont
fait certaines de nos versions françaises, la Traduction Œcuménique de la Bible
(TOB) ou la Nouvelle Bible Segond (NBS). L'ancienne Segond l'a traduit par
l'Eternel. Oui Jésus est le Seigneur, il est Dieu. Et de l'avoir exprimé devant
les autorités religieuses d'alors, il en a été mis à mort. Mais quelques uns,
avant que Dieu l'ait fait remonter de la mort, avaient déjà compris qu'il portait
le nom qui est au-dessus de tout autre nom. Et ils lui ont rendu hommage, honneur
et gloire.
A nous maintenant de
voir comment nous aussi, nous pourrions lui rendre gloire. Il y a quelques
années, j'ai eu entre les mains un livre écrit par l'ancien archevêque de
Marseille, Monseigneur Etchegarray. C'était un petit ouvrage ayant pour titre :
"J'avance comme un âne." Comme mon beau-père voulait me le prêter, je
refusai d'abord en avançant une excuse, car ce titre ne me disait rien
d'engageant. Mais par la suite, je l'ai lu avec intérêt et même avec plaisir
car le brave prélat s'y comparait au petit âne des Rameaux. En fait, dans un
style simple et familier, il racontait les rencontres et les expériences qu'il
avait pu avoir en accomplissant son ministère dans la cité phocéenne.
Il
faut beaucoup d'humilité pour se comparer à un âne. Mais toute créature, quelle
qu'elle soit peut être nécessaire au Créateur. "Le Seigneur en a
besoin"… Et moi, qui fais partie de sa création, ne
pourrais-je pas être utile au Seigneur ? Oui, bien sûr. Il n'y a personne qui
soit trop petit, ou trop faible, ou trop insignifiant, qui ne puisse répondre
au besoin du Seigneur. Pour le glorifier, comme nous l'avons dit. Mais aussi
pour servir à ses projets. Ce qu'il y a de plus humble dans ce monde, de plus
misérable, j'allais dire de plus nul, peut effectivement servir au Seigneur.
"Son besoin a quelque chose d'irrésistible" comme l'a dit un commentateur.
D'autre part, le peu ou le plus que nous possédons, nous devons le mettre à la
disposition du Seigneur. Lui-même se donne le droit d'utiliser tout ce qu'il
nous demande pour la réalisation de son plan.
J'ai commencé ce
message en parlant de nos prières. Je dirai encore un mot à ce sujet. Le plus
souvent, dans nos requêtes, nous exposons au Seigneur nos besoins. Et si, après
ce que nous venons d'entendre, nous lui disions : Quel est ton besoin, à toi, Seigneur
? Ou peut-être encore mieux formulé : Qu'est-ce qui, de ce que j'ai à
disposition, pourrait t'être utile ? Et quand il nous aura montré ce que nous
pouvons faire ou ce dont nous avons à nous défaire, alors, dans un geste
d'amour, abandonnons-lui complètement ce qu'il réclame de nous. Il en sera
glorifié et nous en serons enrichis.
Le Seigneur semble
nous dire :
- J'ai besoin de ton cœur pour
le racheter, le purifier.
- J'ai besoin de tes biens pour
savoir si tu y es attaché plus qu'à moi.
- J'ai besoin de ta vie pour savoir
si tu es tout à moi et que par elle je sois glorifié.
Prédication du dimanche des Rameaux 2005 à
Salon-de-Provence
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