mercredi 25 mars 2015

Les fêtes : LES RAMEAUX

Jésus et l'ânon

"Le Seigneur en a besoin !" (Luc 19. 31, 34)


Lectures : Livre du prophète Zacharie, chapitre 9, versets 9 à 10b
                        Epître de Paul aux Philippiens, chapitre 2, versets 8 à 11
                        Evangile selon Luc, chapitre 19, versets 28 à 38

            Au cours de nos prières, je pense que le mot que nous utilisons le plus, c'est bien celui de Seigneur. A tel point qu'on pourrait presque dire que nous l'utilisons en vain ! Il est vrai que nous ne nous rendons pas toujours bien compte de la portée de ce terme et tout ce qu'il peut signifier. C'est un titre donné à Jésus et qu'il se donne à lui-même dans le passage que j'ai choisi. Ce titre est chargé de sens et dans un premier temps, j'aimerais en dégager au moins trois.

            Le Seigneur, c'est d'abord celui qui a l'autorité souveraine, celui qui a le droit de décider de tout. On le voit bien dans ce récit de l'entrée de Jésus à Jérusalem. Il va vivre sa dernière semaine. Il sait exactement pourquoi il arrive là aux portes de Jérusalem. Il connaît tout ce qui l'y attend, l'opposition dont il sera l'objet, la passion qu'il va subir et la mort qu'il devra souffrir. Mais auparavant, Il  veut accomplir ce qui est écrit à son sujet dans les Ecritures. Alors il orchestre tout pour une entrée triomphale dans la ville sainte. Car il veut qu'on le reconnaisse comme Seigneur et Roi, non pas comme un roi monté sur un cheval de guerre, mais comme le Roi doux et humble dont a parlé le prophète Zacharie, un Roi chevauchant un simple petit âne.

            Son autorité est frappante : "Détachez-le et amenez-le-moi. Et si quelqu'un vous demande pourquoi, vous répondrez : Le Seigneur en a besoin"  (Luc 19. 30-31). Et cela arrive exactement ainsi. On peut toujours supposer que Jésus s'était entendu avec les propriétaires auparavant. Mais ce n'est pas sûr. En réalité, il donne des ordres comme un chef conscient de ses pleins pouvoirs. C'est lui qui commande. Il écarte toute hésitation, il met de côté toute discussion. Il exige une reconnaissance immédiate de sa volonté. Et voilà que nous sommes nous-mêmes interpellés, nous qui l'appelons Seigneur. Quel degré d'obéissance lui accordons-nous ? Une obéissance totale ou un semblant de soumission ? Une obéissance immédiate, ou savamment et constamment repoussée ? A chacun de nous de répondre à ces questions devant Dieu.

            Si nous reconnaissons au Seigneur le droit de nous commander, nous devons aussi le considérer comme le maître de tout ce qui nous appartient. Les propriétaires de l'ânon semblent l'avoir compris. Ils n'ont fait aucune difficulté pour mettre à la disposition de Jésus leur ânon avec sa mère. En fait tout ce que nous avons ou ce que nous croyons posséder, c'est le Seigneur qui nous l'a prêté. Car à lui appartiennent toutes choses. Il est le Maître du monde entier. Comme l'apôtre Paul l'a écrit aux Corinthiens : "La terre est au Seigneur et tout ce qu'elle renferme"  (I Cor. 10. 26). Ou encore : "Qu'as-tu que tu n'aies reçu ? (4. 6). Si nous l'appelons Seigneur, alors laissons-le régner sur tout ce dont nous disposons. Prenons garde de ne pas utiliser ce que le Seigneur nous a confié comme si nous en étions les véritables propriétaires. Et s'il nous demande un jour de lui donner ce que nous avons de plus cher même, ne le gardons pas égoïstement pour nous-mêmes. Entendons cette parole dans notre cœur : "Le Seigneur en a besoin".

            Mais qui est encore ce Seigneur qui a besoin d'un ânon ? C'est celui que "la foule des disciples", comme il est écrit, va acclamer comme Roi, celui à qui elle va rendre "hommage". J'emploie à dessein ce terme qui vient, vous le savez, d'une cérémonie qui se passait au Moyen-âge entre le suzerain et son vassal. Celui-ci, à genoux et en armes, posait ses mains jointes dans celles du suzerain et se déclarait son "homme". Après avoir relevé son vassal, le seigneur lui donnait un baiser sur la bouche. Puis, debout, le vassal prêtait serment de fidélité. Il était lié au suzerain pour toujours. De son côté, le suzerain devait à son vassal aide et protection. C'est cela reconnaître la seigneurie de Christ. Aujourd'hui on a quelque peu oublié le sens de cette dépendance vis-à-vis d'un supérieur. On a tendance à rejeter toute autorité, toute hiérarchie. On se plaint d'un pouvoir subi, d'une soumission forcée. Vis-à-vis du Seigneur, il faut redécouvrir une soumission consentie, acceptée et joyeuse. A l'image de celle du Christ qui, en entrant dans le monde, déclare : "Tu m'a formé un corps... Alors j'ai dit : Je suis venu, ô Dieu, pour faire ta volonté" (Héb. 10. 5, 7, 8).

            Revenons à notre texte : Jésus, en disant : "le Seigneur en a besoin" se place tout au haut de l'échelle. Pour se désigner, il utilise le nom qui fut révélé à Moïse et que les Israélites donnaient à Dieu. N'osant pas le prononcer, de peur de le faire en vain, ils le remplaçaient par le mot Seigneur. C'est ce qu'ont fait certaines de nos versions françaises, la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB) ou la Nouvelle Bible Segond (NBS). L'ancienne Segond l'a traduit par l'Eternel. Oui Jésus est le Seigneur, il est Dieu. Et de l'avoir exprimé devant les autorités religieuses d'alors, il en a été mis à mort. Mais quelques uns, avant que Dieu l'ait fait remonter de la mort, avaient déjà compris qu'il portait le nom qui est au-dessus de tout autre nom. Et ils lui ont rendu hommage, honneur et gloire.

            A nous maintenant de voir comment nous aussi, nous pourrions lui rendre gloire. Il y a quelques années, j'ai eu entre les mains un livre écrit par l'ancien archevêque de Marseille, Monseigneur Etchegarray. C'était un petit ouvrage ayant pour titre : "J'avance comme un âne." Comme mon beau-père voulait me le prêter, je refusai d'abord en avançant une excuse, car ce titre ne me disait rien d'engageant. Mais par la suite, je l'ai lu avec intérêt et même avec plaisir car le brave prélat s'y comparait au petit âne des Rameaux. En fait, dans un style simple et familier, il racontait les rencontres et les expériences qu'il avait pu avoir en accomplissant son ministère dans la cité phocéenne.

 Il faut beaucoup d'humilité pour se comparer à un âne. Mais toute créature, quelle qu'elle soit peut être nécessaire au Créateur. "Le Seigneur en a besoin"… Et moi, qui fais partie de sa création, ne pourrais-je pas être utile au Seigneur ? Oui, bien sûr. Il n'y a personne qui soit trop petit, ou trop faible, ou trop insignifiant, qui ne puisse répondre au besoin du Seigneur. Pour le glorifier, comme nous l'avons dit. Mais aussi pour servir à ses projets. Ce qu'il y a de plus humble dans ce monde, de plus misérable, j'allais dire de plus nul, peut effectivement servir au Seigneur. "Son besoin a quelque chose d'irrésistible" comme l'a dit un commentateur. D'autre part, le peu ou le plus que nous possédons, nous devons le mettre à la disposition du Seigneur. Lui-même se donne le droit d'utiliser tout ce qu'il nous demande pour la réalisation de son plan.

            J'ai commencé ce message en parlant de nos prières. Je dirai encore un mot à ce sujet. Le plus souvent, dans nos requêtes, nous exposons au Seigneur nos besoins. Et si, après ce que nous venons d'entendre, nous lui disions : Quel est ton besoin, à toi, Seigneur ? Ou peut-être encore mieux formulé : Qu'est-ce qui, de ce que j'ai à disposition, pourrait t'être utile ? Et quand il nous aura montré ce que nous pouvons faire ou ce dont nous avons à nous défaire, alors, dans un geste d'amour, abandonnons-lui complètement ce qu'il réclame de nous. Il en sera glorifié et nous en serons enrichis.

            Le Seigneur semble nous dire :
  - J'ai besoin de ton cœur pour le racheter, le purifier.
  - J'ai besoin de tes biens pour savoir si tu y es attaché plus qu'à moi.
  - J'ai besoin de ta vie pour savoir si tu es tout à moi et que par elle je sois glorifié.

Prédication du dimanche des Rameaux 2005 à Salon-de-Provence

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