Notre corps, une
tente
Lectures : Livre du
prophète Esaïe, chapitre 38, versets 12 à 13 (BFC)
Seconde
épître de Paul aux Corinthiens, du chapitre 4, verset 16 au chapitre 5, verset
5
Évangile
selon Jean, chapitre 1, versets 14 à 18 (BFC)
Il
y a bien des années, j'ai fait un voyage dans le Sud de l'Algérie. C'est là que
commencent les dunes de sable, qu'on voit les premières oasis avec leurs
palmiers dattiers, que l'on fait faire aux touristes leur premier tour à dos de
dromadaire. C'est là que j'ai découvert, pour la première fois, plantée au
milieu des sables, une tente de bergers nomades.
Je
pense que cette habitation-là ressemblait beaucoup plus à ces tentes dont nous
parle la Bible qu'à celles qu'on déploie dans nos campings modernes. Mais c'est
une belle comparaison qu'utilise la Parole de Dieu comme image de notre corps,
cette enveloppe, cet étui, qui tient la partie spirituelle de notre être. Et
Ezéchias, ce roi d'Israël qui, malade, a vu la mort de près, s'est exprimé
ainsi : "L'abri où je vis va être
arraché et emporté loin de moi, comme une tente de berger" (Es. 38.
12).
Notre corps,
une tente. De cette métaphore, nous avons au moins trois leçons à tirer. Tout
d'abord, nous retenons sa fragilité. Quelques pieux, quelques cordages,
quelques morceaux de toile ou de peaux, c'est ainsi que sont faites les tentes
du désert. Cela paraît bien peu de choses pour supporter les siroccos et les
tempêtes de sable. Pourtant, cela résiste soixante, soixante-dix, voire
quatre-vingts ans…
C'est dans sa
seconde épitre aux Corinthiens, que l'apôtre Paul souligne le plus l'aspect de
fragilité de notre corps. Déjà au chapitre 4, il dit que le trésor de
l'Evangile, il le porte dans un récipient d'argile (4. 7). Dans d'autres
passages, il mentionne sa faiblesse et il décrit toutes les circonstances
difficiles qu'il a traversées. Il arrive à témoigner même qu'il se complaît
dans les faiblesses, "car, dit-il,
quand je suis faible, c'est alors que je suis fort" (12. 10). Oui,
mais parce qu'il sait que la puissance du Seigneur s'accomplit dans cette
faiblesse (cf. v. 9). Aussi, bien qu'accablé, vit-il de la grâce, de la bonté
de Dieu, de son secours, de son amour. Dans le passage que nous avons lu tout à
l'heure, il compare aussi son corps à une tente. Une tente, pas un mobil home !
Par deux fois il évoque les soupirs qui s'échappent de son cœur. Il ressent une
oppression. Même, de manière réaliste, il envisage, sa disparition.
Marguerite et
moi, nous disons chaque jour merci au Seigneur, pour nos enfants, nos
petits-enfants, nos proches, pour vous nos frères et sœurs, et surtout de ce
que nous sommes encore là tous les deux. Nous savons pourtant que notre corps,
en attendant la résurrection, est "semé
corruptible… méprisable… et dans la faiblesse", comme le dit
l'Ecriture (I Cor. 15. 42-43). En fait nous tous, nous connaissons beaucoup de
maux, parfois minimes, parfois plus douloureux et plus longs. Et puis, pour
reprendre notre image, les cordages de notre tente se détendent, ses piquets
commencent à branler, ses toiles à trembler, au vent de l'existence. Et nous, chrétiens,
nous n'y échappons pas.
Oui, nos corps
sont fragiles, souvenons-nous-en. Assurons-nous donc d'avoir du plus solide,
comme nous l'avons lu tout à l'heure : "Nous
savons, comme écrit l'apôtre, que si cette tente où nous habitons sur la terre
est détruite, nous possédons dans le ciel une construction qui est l'œuvre de Dieu" (II Cor. 5. 1).
Et il ajoute : "une
demeure éternelle". Et de cette pensée, par contraste, nous tirons un
deuxième enseignement : notre corps aujourd'hui, comme une tente, a un
caractère provisoire, périssable, temporaire. Dieu, après avoir créé l'homme,
l'a vu obéir à la voix du séducteur. Il lui a dit : "C'est à la sueur de ton front que tu gagneras ton pain jusqu'à ce
que tu retournes à la terre d'où tu as été tiré. Car tu es poussière et tu
retourneras à la poussière" (Gen. 3 19).
La vie est
courte, mais qu'est-ce qu'on ne fait pas pour essayer de la prolonger, pour se
maintenir jeunes ! Qu'est-ce qu'on ne dépense pas en crèmes et en cosmétiques
de tous genres, en produit anti-rides, anti-âge, rajeunissants, revitalisants,
reliftants ! Après tout, si cela permet à quelqu'un d'être bien dans sa peau,
tant mieux ! Bien sûr, le Seigneur veut que nous prenions soin de notre corps,
comme de tout ce qu'il a créé. Mais rappelons-nous que, jusqu'à sa venue, nous
vivons dans des "corps mortels"
(Rom. 8. 11).
On dit que les
Touaregs, ces nomades du désert, se sédentarisent de plus en plus. Sont-ils
poussés par l'avancée du désert ou veulent-ils vivre d'une autre manière ?
Peut-être les deux. Quant à nous, sachant que les matériaux d'une tente ne sont
pas faits pour la durée, il serait temps de nous préoccuper d'un autre avenir,
d'une construction plus solide, plus durable. Nous passons beaucoup de temps
pour des choses éphémères, pour des valeurs précaires. Nous nous occupons
beaucoup trop des choses d'en bas et nous oublions de "rechercher celles d'en haut, où Christ est assis à la droite de
Dieu" (Col. 3. 1). Si nous nous investissions davantage dans ce qui
dure, nos vies seraient encore plus belles et notre témoignage plus percutant.
Une tente est
facilement transportable. Avec elle, on peut faire de l'itinérance. C'est le
dernier enseignement que je relève. Nous ne sommes que des voyageurs sur cette
terre, des gens de passage, des migrants, des nomades. Comme Abraham, qui a
voulu délibérément habiter sous des tentes, "car
il attendait la ville qui a de solides fondations, celle dont Dieu est
l'architecte et le constructeur" (Héb. 11. 9-10), la cité céleste.
Nous, nous
allons bientôt déplacer notre tente pour l'implanter dans la Drôme. Plus tard,
nous ferons un autre voyage. Ce sera le dernier et nous abandonnerons cette
tente fragile, provisoire et transportable. Pourquoi ne pas en parler ? Un jour
je visitais une paroissienne qui venait de perdre son mari. Elle m'avait
demandé de présider aux obsèques. Je lui demandai : "Vous êtes-vous entretenue une fois avec
votre époux de l'éventualité de ce départ ? – Non, jamais", m'a-t-elle
répondu. Et ces mots m'ont fortement impressionné. Pourquoi la mort est-elle si
souvent un sujet tabou ? Pourquoi évitons-nous de nous en entretenir ?
Nous avons
beaucoup à apprendre de l'attitude de l'apôtre Pierre à cet égard. Voici ce
qu'il écrit : "Je regarde comme un
devoir, aussi longtemps que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil
par des avertissements, car je sais que je la quitterai subitement, ainsi que
notre Seigneur Jésus-Christ me l'a fait connaître" (II Pi. 1. 13-14).
Malgré l'annonce de son martyre, il attire notre attention sur la fin de notre
existence terrestre. Il peut parler de sa mort sans peur et sans regret, et
d'une manière merveilleuse.
En effet, il la désigne par le mot départ,
littéralement "sortie". Parce qu'il va sortir de ce monde pour entrer
dans le royaume éternel. Pour lui, ce sera beau de contempler le Seigneur au
ciel, à la place qu'il est allé lui préparer. Quelle douce sérénité pour celui
qui, comme lui, a mis sa confiance en Jésus-Christ, son Sauveur. Pierre sait
que Jésus est mort pour lui et qu'il sera présent à son dernier soupir.
Mais sa
préoccupation majeure, ce n'est pas qu'on parle de lui, qu'on élève des statues
ou des basiliques à son nom. Son seul souci et son vif désir, c'est que les
chrétiens ne s'endorment pas. C'est qu'ils entendent ses exhortations. "Je regarde comme un devoir, écrit-il,
aussi longtemps que je suis dans cette tente, de vous tenir en éveil par des
avertissements…" (v. 13).
Et
moi, chers amis, je voudrais vous dire : Ne pensez pas d'abord à nous.
Souvenez-vous de Jésus-Christ ! En vérité, le Christ, la
Parole éternelle, le Verbe tout-puissant, Fils éternel de Dieu, a pris un corps
d'homme pour habiter parmi nous. Le texte que nous avons lu tout à l'heure dit
littéralement : "il a dressé sa
tente parmi nous" (Jn 1. 14). Il savait bien que son corps, cette
tente, qu'il avait prise pour servir son Père et faire sa volonté, lui serait
un jour violemment arrachée. Lorsqu'il serait élevé sur la colline de Golgotha.
En mourant sur la croix, Jésus a détruit le pouvoir de la mort, cette reine des
épouvantes. La mort de Jésus, c'est votre vie, sa résurrection, le gage de votre
résurrection avec un corps semblable au
sien relevé de la mort.
Tout ce que le
Seigneur a vécu, tout ce qu'il a souffert, c'est pour vous, pour que vous
puissiez envisager votre départ dans la paix et la sérénité. Il ne vous
abandonnera jamais. Un jour, il vous recevra dans ses "palais d'ivoire" merveilleux (cf. Ps. 45. 9).
Marguerite
a eu un oncle qu'elle n'a jamais connu. Sergent-major à la guerre de 14-18. Il
faisait partie de ceux qu'on appelle les Poilus et, comme beaucoup, il est tombé
au champ d'honneur. Il avait 22 ans. En préparant notre déménagement, nous
avons retrouvé la correspondance qu'il envoyait du front. Alors qu'il était dans les tranchées, couvert
de boue, sous le tonnerre des obus et à côté de camarades blessés, enjambant ou
emportant le corps de ses camarades tués, voici ce qu'il écrivait à ses
parents, quelques jours avant sa mort :
"Que Dieu permette notre revoir ici-bas,
et le plus vite possible ! Notre séparation n'a déjà que trop duré, et
si, de part et d'autre, nous l'avons aussi vaillamment subie, c'est que Dieu,
que nous implorons tous les jours, nous a donné les forces nécessaires.
Continuons à l'invoquer fermement…"
Il ajoutait :
"Et si l'avenir nous réservait encore des épreuves, sachons vaillamment les
supporter, et donnons-nous rendez-vous dans la Patrie Céleste et dans la
félicité éternelle."
C'est là
aussi, chers amis, le rendez-vous que nous vous donnons.
Dernière prédication a Salon-de-Provence
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