La mort,
un gain !
"Pour moi, mourir est
tout bénéfice" (Phil. 1. 21)
Lectures :
Livre de l'Ecclésiaste, chapitre 12, versets 1 à 7
Épître de Paul aux Philippiens,
chapitre 1, versets 20 à 25
Évangile selon Luc,
chapitre 16, versets 19 à 31
Qu'en pensez-vous ? Le jour de la
mort est-il un jour triste ? J'ai un souvenir qui date de fort longtemps,
lorsque j'habitais encore ma ville natale de la Chaux-de-Fonds. Il y avait là
un poste de l'Armée du Salut. Et quand un des leurs décédait, frère ou sœur,
toute la communauté l'accompagnait dans la joie jusqu'au cimetière en suivant
le corbillard. Il y avait d'abord la fanfare qui jouait des airs de cantiques,
puis venaient les Salutistes qui, sur leurs uniformes, avaient mis des fleurs
blanches. Si c'était l'été, ils restaient en chemise et T-shirt blancs. Et
chacun chantait au son de la musique, brandissant une branche de palmier comme
la foule de l'Apocalypse. Je vous assure que ce n'était pas triste. Pourquoi
agissaient-ils ainsi ? Parce que la mort d'un chrétien est un événement
heureux. Non pas toujours pour ceux qui restent. Eux, en effet, voient la fin
d'une période, la disparition d'un être cher, d'une présence qui leur est ravie.
Mais un événement heureux pour la personne qui meurt dans la foi.
Dans le texte lu dans l’épître aux
Philippiens, je prendrai pour notre méditation cette affirmation de l'apôtre
Paul : "Pour moi, vivre, c'est
Christ et mourir c'est un gain." (l. 21) On voit couramment à la
télévision des gens qui gagnent à certains jeux. Sont-ils tristes ? Non, ils ne
peuvent pas l'être parce qu'ils ont gagné. Alors ils jubilent, ils sautent de
joie.
La mort, un gain aussi ? Oui, dit le
grand apôtre. Mais pourquoi s'exprime-t-il ainsi ? En quoi la reine des épouvantes
est-elle un plus, un avantage ? On peut avancer quelques réponses. Mais d'abord
examinons le contexte : le grand évangéliste est en prison. Va-t-il en sortir
pour la vie ou pour la mort ? Il a confiance que, de toute façon, Christ sera
glorifié dans tout ce qui arrivera. S'il meurt, il va jouir de la présence du
Seigneur continuellement, une présence réelle et non plus spirituelle. Une
présence visible, voilà le premier avantage.
Pour nous aussi. Jusqu'ici, nous
avons entendu parler de lui, nous avons lu ce qui le concerne dans la parole de
Dieu. Nous le connaissons d'une certaine manière, parce qu'il s'est manifesté à
nous dans son amour. Mais à notre mort, nous l'apercevrons enfin de nos propres
yeux. L'un de nos anciens cantique dit ceci : Voir mon Sauveur face à face,
Voir Jésus dans sa beauté,
Ô joie, ô suprême
grâce,
Ô bonheur, félicité ! (Ch.
Rochedieu)
Oui, celui qui m'aime, qui a donné
sa vie pour moi, qui m'a si souvent témoigné de la tendresse, celui qui m'a
accompagné tout au long de mes journées, les heureuses comme les difficiles,
celui qui m'a pardonné, qui m'a consolé, qui m'a fortifié, celui en qui j'ai
cru, celui que j'ai "aimé sans le
voir encore," celui qui m'a fait confiance en venant faire sa demeure
en moi par le Saint-Esprit, oui, enfin je
le vois, je le contemple face à face. Oui, je peux dire : J'y ai gagné.
Si on communique avec quelqu'un par
lettre, ou par mail ou par SMS, on est déjà content. Bientôt nous serons tous
munis de téléphones qui nous enverront l'image de nos correspondants. Peut-être
y verrez-vous un progrès. Pourtant rien ne remplacera la présence même de
quelqu'un que l'on aime. C'est justement ce que Paul appelle un gain. Il dit dans
une autre lettre : "Nous aimons mieux quitter ce corps et demeurer
auprès du Seigneur." (II Cor. 5. 8)
Non seulement la mort nous fait
entrer dans la présence du Seigneur, mais elle nous fait entrer aussi dans le
repos. Après une journée de travail, qu'est-ce qui fait plaisir ? N'est-ce pas
un peu de repos, si possible chez soi, près des siens. Après une carrière bien
remplie, à quoi est-ce que nous aspirons pour en jouir ? N'est-ce pas une
retraite "bien méritée", si le Seigneur veut bien nous l'accorder.
Nous croyons arriver enfin dans le repos. Mais ce n'est pas toujours vrai. Non,
le vrai repos, c'est le ciel ! C'est une erreur de croire que ceux qui sont
là-haut, aussi "saints" soient-ils, continuent encore un ministère
auprès des vivants. Au contraire, le livre de l'Apocalypse donne cette parole
magnifique : "Heureux les morts, ceux qui meurent dans le Seigneur dès
maintenant. Oui, dit l'Esprit, pour qu'ils se reposent de leur peine, car leurs
œuvres les suivent." (Apoc. 14. 13). Mais repos ne veut pas dire
sommeil. La Bible ne dit pas que les morts sont dans un état d'inconscience. En
fait, les croyants jouissent du bonheur, adorant le Seigneur et chantant ses louanges
continuellement, comme l'affirme encore le dernier livre de la Bible.
Enfin, la mort est un gain parce qu'elle nous apporte
la fin de nos luttes. Il y a déjà très
longtemps, le patriarche Job a fait cette constatation, comme nous l'avons lu
tout à l'heure : "Le sort de l'homme sur la terre est celui d'un
soldat." (Job. 7. 1) Mais quel militaire, après avoir rempli sa mission,
n'est pas heureux de se défaire de ses armes et d'ôter son casque et son
uniforme. Il n'a plus à livrer ni combat, ni bataille. Sur la terre, nous
sommes en guerre contre Satan, contre
les puissances des ténèbres. Sur la terre, nous luttons contre le péché, celui
qui est en nous et celui qui nous entoure. Ici-bas, nous luttons contre les
effets du péché. Là-haut c'est la fin des combats. Sur la terre nous souffrons, nous connaissons
l'affliction, la tribulation, la frustration, la maladie. Dans le ciel, toute
peine aura disparu : "ni deuil, ni
cri, ni douleur" (Apoc. 21. 4), "le
Seigneur essuiera toute larme de [nos] yeux" (7. 17). La bible ne dit
pas qu'il nous qu'il faudrait encore souffrir pour être purifiés complètement.
Et c'est une invention humaine de dire que nos morts ont besoin de nos prières
ou de quoi que soit d'autre pour abréger leurs souffrances. Rappelez-vous ce qu'Abraham dit au personnage
riche de l'histoire lue tout à l'heure : "Lazare a connu le malheur, maintenant,
il est ici consolé." (Luc 16. 29)
Et si nous relevions justement ce
qu'a dit Jésus, lui le seul homme qui ait eu la connaissance de ce qui est
au-delà de la mort ! D'après ses paroles nous pouvons affirmer que la mort
n'est pas un gain pour tout le monde. L'auteur de notre texte précise bien : "Pour
moi, vivre, c'est Christ et mourir un gain." Il ne dit pas
pour tout le monde. Il y a une condition ou une prémisse, si vous le voulez. Puisque
je vis de la vie de Christ, alors la mort ne peut pas me décevoir, au
contraire. Parfois, on entend dire, quand un grand malade décède : "Il
valait mieux pour lui qu'il en soit ainsi, ses souffrances ont pris fin."
Ce n'est pas toujours vrai. On n'ira pas "tous au paradis", non, non.
Le riche, dont Jésus a parlé, était dans
un état bien conscient après qu'il mourut. En proie aux tourments, il avoue
lui-même : "Je souffre dans ces flammes." (Luc 16. 24) On a
tellement représenté ce que nous ne connaissons pas vraiment de l'enfer, qu'on
s'est mis, même dans l'Eglise, à ne plus en parler. Et ce matin, je n'en dirai
pas plus, parce que ce n'est pas mon sujet. Ce qui me frappe, par rapport à la
mort de cet impie, c'est qu'il connaît
un état définitif. Rien ne peut plus changer pour lui. Tous ses remords sont inutiles.
Tous ses désirs restent inassouvis. Son sort est fixé pour l'éternité. C'est
pourquoi le Seigneur nous dit par ailleurs : "Souviens-toi de ton
Créateur, avant que viennent les jours du malheur." (Eccl. 12. 1).
Mais revenons à l'enfant de Dieu. Si
la mort est déjà un avantage, un gain pour lui, il y a encore mieux que sa
mort, c'est sa résurrection. En effet l'état dans lequel le croyant entre, quand
il meurt, n'est pas son état définitif. C'est ce qu'il est convenu d'appeler
l'état intermédiaire. Il y a, au moment du décès, une dislocation de notre être
: notre corps reste dans la tombe ou, pour mieux dire, toutes les molécules de notre
corps sont transformées dans le sol ou dans les mers. Seul notre esprit, notre
âme, monte auprès de Dieu et jouit de sa présence comme nous l'avons dit. "La poussière retourne à la poussière,
dit l'Ecclésiaste, (12.9)... et l'esprit retourne à Dieu qui l'a donné."
Mais il faut, qu'au dernier jour, le jour de la résurrection de tous, le corps
se reforme mystérieusement et qu'il rejoigne
l'esprit. Nous serons alors semblables au Christ ressuscité.
Paul emploie des images toutes
simples pour nous faire mieux comprendre ces mystères. Il compare, par exemple,
notre corps à une tente que nous habitons. A notre mort, nous quittons cette
tente et elle est détruite. Il dit qu'à ce moment, nous sommes comme "nus".
A la résurrection nous revêtirons, non plus une tente, mais une maison
"en dur", si je puis dire ainsi, un "ouvrage de Dieu, une
demeure éternelle qui n'a pas été fabriquée par des mains humaines."
(II Cor. 5. 1). Cet état intermédiaire, nous pouvons demander au Seigneur de ne
pas le prolonger en répétant la prière des âmes des témoins martyrs de l'Apocalypse : "Jusqu'à quand, Maître saint et
véritable, tardes-tu à faire justice ? (Apoc. 6. 9)
Quelle merveilleuse perspective
attend celui qui vit présentement de la vie de Christ, par la foi ! Nous
aurions envie, comme Paul, de nous en aller tout de suite pour rejoindre notre
Sauveur. Ce serait "le meilleur"
pour nous, comme il l'a écrit (v. 23). Toutefois, il avait la sagesse
d'envisager ce qui était le plus utile pour son œuvre, c'est-à-dire pour le
bien des chrétiens.
Et nous de même, tant que le
Seigneur nous donne la vie, nous avons aussi une tâche à remplir. Elle n'est pas
terminée. Nous devons faire connaître les vérités de l'Evangile au plus grand
nombre de gens possible, pour que chacun puisse dire avec nous : "Christ est ma vie et la mort m'est un
gain !"
Prédication
du dimanche avant la Toussaint 1981 au Riou
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