Sur la maladie
Lectures : Psaume 30,versets 2 à 6
Livre des Actes des Apôtres, du chapitre 15,
verset 40 au chapitre 16, verset 8
Épître de Paul aux Galates, chapitre 4,
versets 13 à 16
On sait (grâce à Astérix !) que les Gaulois devaient
se défendre contre les Romains. Ce qu’on ignore le plus souvent, c’est que
certaines tribus gauloises, bien avant l’époque des Romains et dès le début du
3ème siècle av. Jésus-Christ, s’étaient distinguées dans la guerre
contre la Macédoine et contre la Grèce. Des Gaulois avaient même pénétré au
cœur de l’Asie Mineure, notre actuelle Turquie. Ils s’étaient établis dans
quelques villes comme Ancyre, qui est devenue Ankara, la capitale actuelle de
la Turquie. Ces Gaulois étaient appelés Galatai
par les Grecs, d’où le nom de Galatie donné à l’époque à cette région du
plateau anatolien. Quand les Romains soumirent toutes ces populations, ils
étendirent la Galatie plus au Sud et en firent l’une de leurs provinces.
Dans le passage de l’épître aux Galates que nous venons
de lire Paul écrit : "Ce
fut à cause d’une maladie que je vous ai annoncé la bonne nouvelle pour la
première fois" (v. 13). D'après
cela, nous comprenons qu'il a été bloqué dans cette contrée par un mal qui a dû
l’attaquer assez rapidement. Dans le récit de son deuxième voyage relaté par
Luc dans le livre des Actes des Apôtres et qui recouvre ce même épisode, il
apparaît que l’apôtre avait le projet d’atteindre l’Ouest mais que le Saint
Esprit l’en a empêché. C’est donc à cause d’un ennui de santé du grand
missionnaire que ces anciens Celtes, les Galates, ont entendu l'Evangile pour la première fois.
Mais est-ce le Saint-Esprit ou est-ce la maladie qui a
obligé Paul de rester en Galatie ? Bonne question ! Qui me permet de
faire ici une première remarque. Le Seigneur veut nous apprendre, par cette
apparente contradiction, que la maladie peut être envoyée directement par le
Seigneur. Très souvent les chrétiens oublient que Dieu peut bien permettre un
malheur ou une maladie. Ne disait-il pas déjà du temps de Moïse : "C’est
moi qui fais mourir et moi qui fait vivre, c’est moi qui frappe et moi qui
guéris" (Deut. 32.
39). L’épreuve est donc bien dans son plan. Et c’est ce que nous avons souvent
beaucoup de peine à accepter.
Une deuxième remarque avant de développer notre
sujet : Paul n’a pas été guéri tout de suite alors qu’il était en tournée
et qu’il avait comme une obligation d’annoncer l'Evangile. Comme quoi la
guérison n’est pas forcément signe de bénédiction et preuve que notre foi est
solide.
Allons plus loin et disons que la maladie n’est pas
toujours quelque chose de négatif. C’est une vérité qui saute aux yeux dans
notre texte. La maladie peut être très bénéfique pour soi-même, souvent, et
même pour les autres. Voilà que Paul se sent atteint dans son corps. On a écrit
des pages et des pages sur ce dont il a bien pu souffrir. Y a-t-il un lien avec
cette écharde qui lui a été mise dans la chair et dont il parle dans la
deuxième épître aux Corinthiens ? S’agissait-il d’une maladie
chronique ? Certains ont pensé qu’ici, en Galatie, il s’agissait d’une
infection des yeux, ce qui, selon le texte, ne l’aurait pas rendu beau à voir,
mais pourtant ne l’aurait pas empêché de prêcher. D’autres ont pensé à une
maladie de peau qui l’aurait bien défiguré. En tous cas le grand apôtre se sent
bien diminué. Il est dans une faiblesse extrême, dans la détresse, à la suite
peut-être d’une crise aiguë de la maladie. Pour lui, qui s’était fixé un but,
il est dur de devoir changer ses plans. Pour une homme si zélé et si plein
d’allant, rester sur place est une vraie épreuve. Plus encore, c’est humiliant
pour lui parce que sa maladie ne peut rester cachée, comme on aime parfois la
garder secrète. Tout le monde va le savoir et la nature même de son mal, de l’infection, est telle qu’elle devait susciter de la répulsion chez ceux
qu’il rencontrerait.
Et l’apôtre voit donc, à cause d’une maladie, une porte
s’ouvrir devant lui et une magnifique occasion d’atteindre une population non
encore évangélisée. Quelle aubaine ou plutôt quelle précieuse circonstance
pour ces Galates, ces païens tellement loin de Dieu, que Paul soit justement
tombé malade alors qu’il était si proche d’eux. Est-ce que vous n’en déduiriez
pas que parfois à quelque chose malheur est bon ? Ce qui pourrait être
très contrariant et malheureux peut devenir bénéfique à tel point que d’autres
mêmes peuvent en retirer un grand profit.
Ne considérons donc pas toujours la maladie comme une
calamité, comme quelque chose qui n’engendre que regrets secrets et
lamentations plus ou moins contenues, quand ce n’est pas murmures ou révolte
même. Dieu peut changer le malheur en bonheur et même il affirme que "Tout
concourt au bien de ceux qui l’aiment" (Rom. 8. 28).
Dans ce texte je suis frappé par l’attitude des Galates à
l’égard de Paul, malade. Ils l’ont accueilli d’une manière admirable. Alors que
son infirmité aurait pu être tournée en dérision, ils lui ont réservé tous les
honneurs. Alors que son aspect physique aurait pu provoquer répugnance, ils
n’ont éprouvé pour leur hôte ni dédain, ni mépris, ni dégoût. Alors que leur
ignorance, en tant que Barbares (comme les appelaient les Grecs), auraient pu
les conduire à penser que les dieux avait abandonné le prédicateur, l’avaient
rejeté, ils ont éprouvé pour lui de la sympathie. Ils l’ont même accueilli
comme un messager de Dieu, comme Jésus-Christ lui-même.
L’apôtre dit bien que cela a été une épreuve aussi pour
les Galates, mais c’est leur affection, leur amour qui a gagné. Ils ont compris
qu’il n’est pas bon de dédaigner quelqu’un simplement pour ce qu’il est à un moment donné. Car en
fait c’est Dieu qui l’a amené dans cet état. Ils n’ont pas succombé à la
tentation de juger le messager, par rapport à son apparence extérieure, ni même
son message. Je répète, parce que c’est très important : les Galates n’ont
pas eu un esprit de jugement. Nos conclusions sont si hâtives, nos
condamnations si vite assénées, même à l’égard de ceux qui sont dans la
souffrance ! Le malade ne devrait pas, ne doit pas se sentir mis de côté.
Il est si facile d’éprouver à son égard une certaine gêne, quand ce n’est pas
une certaine lassitude, pire, une indifférence criante. Il advient alors si
souvent qu’on le laisse tomber, dans tous les sens du terme.
Ce n’est pas ce qu’ont fait les Galates. Derrière
l’aspect, au-delà de l’apparence, ils ont perçu un message. Et je crois que
derrière tout malade, il y a un message à décrypter. Je crois aussi qu’en
accueillant un malade, on accueille quelque part Jésus-Christ. "J’étais
malade et vous m’avez visité",
dira le Seigneur aux siens. Mais ils répondront : "Quand t’avons-nous vu malade
et sommes-nous venus te voir ?" Et lui de répondre : "Dans la mesure où vous avez fait cela pour l’un de ces plus petits de mes frères,
c’est à moi que vous l’avez fait" (Matth. 25. 36ss ).
Ces Galates ont vraiment quelque chose à nous apprendre ce
matin. Mais ils sont allés encore plus loin : ils auraient voulu souffrir
avec l’apôtre ou même à sa place. Paul leur rend un témoignage
époustouflant : "Si cela avait été possible, écrit-il, vous vous seriez arrachés les yeux pour me les donner" (v.
15). Faut-il voir dans ces mots une confirmation que Paul souffrait d’une
maladie d’yeux ? Ou bien cela veut-il dire simplement qu’ils auraient
donné ce qu’ils avaient de plus cher, comme la prunelle de leurs yeux, pour
venir au secours de l’apôtre ? De toute façon c’est l’expression très
forte de leur attitude vis-à-vis de celui qui, à cause d’une faiblesse
physique, leur apportait le message de vie. Voilà un exemple pour nous.
Saurons-nous, confrontés à la maladie de l'un de nos semblables, avoir cette compassion,
cette sympathie, deux termes qui expriment que l’on souffre avec
quelqu’un ?
Cet amour si pressant des Galates pour celui qui leur
apportait l'Evangile est encore peu de chose comparé à l’amour de notre
Seigneur Jésus-Christ, Lui qui n’a pas offert que ses yeux, mais qui a donné
son corps tout entier pour que nous puissions y voir clair. Lui qui a offert sa
vie précieuse pour que nous soyons guéris de nos péchés et de nos maladies. Lui
qui s’est sacrifié pour nous sauver. Adorons-le et, tout à l’heure encore,
pendant la cène, souvenons-nous particulièrement de son geste d’amour si grand
à notre égard.
En ne parlant que de la maladie de Paul, nous avons voulu
délibérément limiter notre réflexion. Mais, avant de terminer, permettez-moi de
replacer rapidement notre texte dans tout le contexte de l’épître aux Galates.
L’apôtre écrit justement parce que ceux qu’il avait évangélisés avaient changé
d’attitude à son égard. D’autres personnes étaient passées après son départ,
qui avaient réussi à faire oublier ce bel élan que les Galates avaient
manifesté envers Paul. Il essaie donc de ramener ses correspondants à un peu
plus de raison, non pas pour qu’on pense davantage à lui, mais pour qu’on ne se
détourne pas du message de la grâce qu’il était venu leur apporter.
Notre regard sur les malades qui nous entourent, notre
compassion pour eux, notre intérêt pour leur situation de souffrance ne
feraient-ils pas place au bout d’un certain temps, à une certaine indifférence
ou même à un certain rejet de notre part ? Notre amour pour eux ne
s’éteindrait-il pas rapidement aussi ? Prenons donc garde de toujours
accueillir celui ou celle qui souffre de quelque mal que ce soit. Faisons
attention de ne pas trop vite nous détourner de lui, ni de l'abandonner. Soyons
toujours prêts à lui donner le meilleur de nous-mêmes. Et souvenons-nous aussi
qu’une maladie, occasionnelle ou non, peut être une source de bénédiction.
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