Evangile de Matthieu 13 44
Le
récit de trésors enfouis et découverts m’a toujours fait rêver et sans doute
avez-vous lu comme moi, peut-être dans votre enfance, des histoires où les gens
tombaient par hasard sur de grandes richesses cachées quelque part. J’ai connu
quelqu’un qui, au début de la dernière guerre mondiale, avait décidé de fuir
les troupes étrangères et l’occupation en partant avec sa famille sur les
routes de "l’exode". Auparavant, il avait pris soin de déposer dans
son jardin une partie de ses économies sous forme de pièces d’or. Il espérait
les retrouver à son retour et c’est bien ce qui se produisit. Mais imaginez
qu’il ait perdu la vie et que ses biens aient passé à quelqu’un d’autre. Vous
voyez la belle aubaine de celui qui, en bêchant la terre, par exemple, aurait
trouvé tout à coup ce trésor. Quelle heureuse surprise !
Un
tel fait divers, le Christ l’a peint sur le vif dans l’une de ses paraboles. "Le royaume des cieux, disait-il, est
comme un trésor caché dans un champ. Un homme l’a trouvé, mais il l’a tenu
caché. De la joie qu’il en éprouve, il s’en va vendre tout ce qu’il possède et se met à acheter le champ" (Evangile de Matthieu, chapitre 13, verset 44). Il
semble bien que, selon les lois de l’époque, celui qui achetait un bien était
pleinement dans son droit s’il gardait tout se qui s’y trouvait caché.
Pour
l’homme de la parabole, ce qu’il a trouvé a une valeur immense, puisqu’il est
prêt à se défaire de tous ses autres biens pour acquérir le champ. De même
celui qui découvre le royaume de Dieu est en présence d’une richesse
inestimable. Une joie extraordinaire l’envahit et le submerge. Dans l’absurdité
de son existence, il aperçoit un fil conducteur. Dans son ignorance, il accède
à une connaissance supérieure. Dans son découragement surgit l’espoir. Dans ses
doutes naît la confiance. Dans ses haines et ses rancoeurs pointent la douceur
et la tendresse. D’aveugle qu’il était, il voit la lumière. Déprimé, il
retrouve l’entrain ; angoissé, il éprouve la paix ; mal dans sa peau,
il s’épanouit ; captif, il recouvre la liberté ; perdu, il reçoit le
salut gratuitement par le Seigneur Jésus-Christ.
Car
le royaume de Dieu c’est tout cela à la fois, c’est tout ce qu’apporte le Chef
de ce royaume, le Roi des rois, le Seigneur Jésus lui-même. Existant auprès de
Dieu, son Père, détenteur et maître de toutes choses, il accepte de venir vivre
pauvrement sur la terre pour que nous soyons enrichis. Il subit jugement et
condamnation pour que je connaisse grâce et pardon. Il se donne en sacrifice
pour que j’obtienne la vie, le vie éternelle. Il peut reprendre à son compte
les paroles de l’antique Dame Sagesse : "Moi je vaux plus que les pierres précieuses ; aucun trésor
n’égale ma valeur" (Prov. 8. 11). "Ceux
qui m’aiment, je les aime en retour, et ceux qui me cherchent sont sûrs de me
trouver" (v. 17).
Voilà
donc quelqu’un qui découvre tout à coup le prix inestimable de l’Evangile, de
la vérité du Christ qui s’y révèle. Il prend conscience de la valeur relative
de tout ce qui n’est pas le royaume de Dieu. Il reconnaît l’insuffisance des
richesses qu’il détenait avant sa découverte. Pourquoi ? Parce que le
royaume de Dieu, c’est la réponse à la quête de sens de chacun. C’est la
satisfaction d’un besoin inné de tout homme. C’est le plaisir d’une communion
avec notre Créateur. C’est la jouissance d’une présence surnaturelle et
continuelle. Vous connaissez peut-être le témoignage de l’écrivain et
journaliste André Frossard qui a écrit le livre "Dieu existe, je l’ai
rencontré". A partir de cette rencontre, sa vie a pris une autre
dimension, son existence une tout autre tournure.
Revenons
à la parabole. Sûr de sa découverte, l’homme la cache, de peur de la perdre. Il
veut acheter tout le champ. C’est un peu comme si l’on découvrait un filon
d’or, il faudrait bien, pour en retirer le maximum, exploiter toute une
carrière. Dans ce trésor tenu caché, on peut voir symboliquement la réalité
présente, réelle, mais invisible, de ce royaume de Dieu. Nous savons que, dans
l’avenir, il sera manifeste pour tous, pas seulement pour les croyants.
Présentement, en effet, seul jouit de la bénédiction qu’il apporte celui ou
celle qui a la foi, sans qu’il n'ait aucun mérite.
Mais
la joie de cet homme va devenir visible. Complètement différente sera sa manière
de vivre. On va lui reconnaître de nouveaux objectifs, puisqu’il va passer son
existence à acquérir le champ. Il va vivre uniquement pour ce qu’il a
découvert.
L’Évangile
nous relate l’histoire de ce fonctionnaire véreux, appelé Zachée, qui s’était enrichi
en collectant les impôts. Très petit de taille, il s’était perché un jour sur
un arbre pour voir passer Jésus avec la foule. Celui-ci, arrivé à sa hauteur,
lui crie : "Dépêche-toi de
descendre ! Car aujourd’hui, il faut que je loge chez toi" (Luc 19).
Cet homme voleur et corrompu reçoit le Seigneur Jésus "avec joie", nous dit le texte (v. 6). Comme l’homme de
notre parabole, de la joie qu’il ressent, le collecteur d'impôt décide de
changer d’attitude. Il est prêt à payer un prix parce qu’il a découvert son
Sauveur. "Ecoute, Maître, dit-il, je
vais donner la moitié de mes biens aux pauvres et je vais dédommager ceux à qui
j’ai pris de l’argent en les trompant" (v. 8). Voilà un bon exemple de
ce qu’est la vraie religion : une mise en ordre de sa vie passée. Cet
homme était malhonnête, il avait lésé beaucoup de monde. Maintenant, il décide
de réparer le mal qu’il a pu causer. Pour cela il doit sacrifier son orgueil en
même temps que son argent. De plus il décide de faire du bien autour de lui.
Quel bel exemple !
La
découverte du Christ implique un changement de comportement. Je voudrais en
relever deux autres aspects. La Bible dit : "Si quelqu’un croit être religieux et qu’il ne sait pas maîtriser
sa langue, il se trompe lui-même et sa religion ne vaut rien" (Jac. 1.
26). Le terme rencontré pour "Maîtriser sa langue" est intéressant.
Il dérive d’un mot qui signifie le mors, cette pièce de métal qu’on met dans la
bouche des chevaux pour les diriger. Cela fait mal d’être ainsi bridé. Mais si
l’on a conscience d’appartenir à Dieu, on sera prêt à lui obéir aussi, même si
cela nous coûte un certain prix. C’est "le prix de la grâce", selon le
beau titre d'un livre du théologien
Dietrich Bonhoeffer. Pour suivre le Christ, les disciples ont dû abandonner
leurs filets.
La
Bible dit encore : "Voici ce
que Dieu le Père considère comme la religion pure et authentique : prendre
soin des orphelins et des veuves dans leur détresse, et se garder de toute
impureté venant de la mauvaise influence du monde" (v. 27). Je pourrais
expliquer cet enseignement ainsi : laisser tomber son égoïsme, sortir de
soi-même et de son petit univers à soi, penser à ceux qui sont dans la peine ou
la solitude, les aimer concrètement en les visitant et en venant à leur aide.
Cela peut coûter quelque sacrifice, mais c’est pour avoir tout le champ qui
recèle le trésor.
Il
faut aussi savoir s’abstenir de la saleté et de la boue, car suivre le Christ
conduit à la pureté. Saint Augustin, qui avait mené une vie dissipée, dit, à
propos de sa conversion, que la joie lui rendit très facile un renoncement
qu’il n'avait jamais auparavant envisagé sans crainte. Il écrit :
"Quelle douce joie je ressentis alors, quand je me séparai de tout ce que
je craignais de perdre ! C’est toi, ô ma vraie Richesse, qui m’as
dépouillé de tout le reste. Tu m’en as délivré et tu es entrée chez moi, toi
qui m’es plus précieuse que tous les plaisirs du monde."
Je
relis les paroles de Jésus : "De
la joie qu’il en éprouve, il s’en va vendre tout ce qu’il possède et achète le
champ." Se peut-il que vous qui m’écoutez, vous ne soyez pas prêts à
renoncer à certaines habitudes. Ne voulez-vous pas vous défaire de tout ce qui
vous empêche d'avoir le plein bénéfice de ce trésor qu’est le royaume de
Dieu ? Il est vrai que le salut est offert gratuitement à celui qui veut
bien le recevoir. Il est vrai pourtant qu’il faut savoir "calculer la dépense" avant de construire, comme l’a dit
le Christ (Luc 14. 18). Autrement dit, il faut être conscient de tout ce
qu’implique la découverte du vrai trésor. Conscient de tout ce que suppose le
fait de suivre le Seigneur.
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