mercredi 20 mars 2013

Les fêtes : LES RAMEAUX


             Le petit âne et les vêtements


"Jésus s'assit sur l'ânon... et les gens d'une immense foule étendaient leurs vêtements sur le chemin" (Mat. 21. 12, 14).


Lectures : Deuxième livre de Samuel, chapitre 6, versets 12 à 23
                 Apocalypse chapitre 19, versets 6 à 9
                 Évangile selon Matthieu, chapitre 21, versets 1 à 9


        Je me souviens d'un voyage que j'ai fait avec des amis dans le Sud algérien. Comme touristes, on nous a proposé une promenade à dos de dromadaire jusqu'aux premières dunes de sable du Sahara. En revenant, j'ai pu photographier aussi une course de chevaux que quelques bédouins avaient organisée pour leur plaisir, non pas dans un stade, mais dans un espace non délimité, en plein air, si je peux dire ainsi. J'ai vu des ânes aussi, mais s'ils sont la monture courante, on ne la propose pas aux touristes. Cela ne conviendrait pas car l'âne est pour les plus pauvres.

            Pourtant, choix étonnant, Jésus va le préférer à toute autre bête. Il s'assoit même sur un jeune ânon pour entrer dans Jérusalem, la capitale. N'est-il pas, lui, le Maître des disciples, celui qui se nomme lui-même le Seigneur ? N'est-il pas, lui, LE Roi ? Alors pourquoi cette démarche contraire à la coutume des chefs d'Etat et des rois de ce monde ? C'est un peu comme si le Général de Gaulle, le jour de la Fête nationale,  avait descendu les Champs Elysées non pas dans sa déesse décapotable, mais dans une simple 2 CV!

            Mais non, notre Seigneur ne se trompe pas. Il est écrit, en effet,  dans la loi de Moïse "Le roi ne devra pas posséder un grand nombre de chevaux" (Deut. 17. 16). Malheureusement les rois d'Israël ont souvent ignoré cette loi. Jésus, lui, s'y conforme strictement. Il connaît aussi la bénédiction de Jacob sur la tribu de Juda dont il fait partie. Dans cette prophétie, le patriarche associe le sceptre du commandement à l'âne, au petit d'un ânesse (Gen. 49. 10-11). Le choix de Jésus s'explique donc clairement. Mais plus que cela, le Christ accomplit littéralement la parole du prophète Zacharie (9. 9),  comme l’Évangéliste Matthieu le relève :  "Regarde ! Ton roi vient vers toi. Il est juste et victorieux. Il est humble et monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse." Il est frappant de constater, au début de notre récit, l'insistance de la parole de Dieu pour montrer le choix de cette monture. Pour la chercher, le Maître envoie deux disciples pour qu'ils détachent et amènent un petit âne avec sa mère. Quand on  leur demande la raison de leur geste, ils répondent comme Jésus leur a dit : "Le Seigneur en a besoin" (v. 3). Au choix de Jésus pour un petit âne, le peuple devait le reconnaître comme son Roi.

                        Très souvent pendant son ministère, Jésus s'est assis pour enseigner : sur la montagne, dans le temple, dans les synagogues. Maintenant, il n'a plus le temps de s'arrêter. Le Roi est en route pour son dernier déplacement. Il ne se préoccupe pas, comme certains de ses apôtres, d'être assis dans le ciel. Il est assis sur un petit âne qu'il peut conduire où il veut. Les petits bourricots ne sont pas si récalcitrants qu'on le dit. Jésus dirige le sien vers Jérusalem, vers le lieu de son arrestation et de sa condamnation.  En venant sur la terre, Christ s'est abaissé. Il a pris notre condition d'homme. Maintenant il est en route vers l'humiliation suprême, vers "la mort, la mort sur la croix" (Phil. 2 v. 8). Il se dirige vers le Calvaire, vers le lieu de son supplice. Cette journée des Rameaux est le prélude de l'entrée dans son règne de gloire. Mais ce règne commence par l'abaissement. Le prophète Zacharie avait annoncé un "roi victorieux... celui qui dominera..." Mais, présentement, Matthieu retient simplement "roi humble, monté sur le petit d'une ânesse".
           
            En fait c'est bien parce qu'il est humble qu'il chevauche un âne. Il n'est ni dans un palais, ni sur un trône, ni sur une tribune. Il est assis sur une vulgaire bête de somme, même sur son petit. Il n'a ni ministres, ni maîtres de cérémonie, ni chefs de protocole. Il n'a pas d'habits somptueux, ni de tiare, ni de couronne. Pour lui, on n'a pas déployé de tapis rouge. Il foule simplement les vêtements d'une foule en délire.

            On en est à six jours du Pessah, la fête de Pâque. Beaucoup de monde est monté à Jérusalem. On entend dire que Jésus arrive et va entrer dans la ville. Il descend déjà les pentes du Mont des Oliviers. On l'aperçoit. On passe les portes. On sort à sa rencontre. On l'entoure. On le précède, on le suit. On pousse des cris. On loue Dieu. Comme aux jours de fête, on arrache "des palmes, des rameaux d'arbres touffus et de saules de rivière" (Lév. 23. 40) en signe de grande joie. On chante, on scande : "Hosanna ! Hosanna au fils de David ! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Béni soit le roi d'Israël, béni soit le règne de David, notre père, le royaume qui vient. Hosanna au plus haut des cieux !"  

            Quand la foule lui rend hommage ainsi, elle l'acclame comme Roi. En un geste symbolique, elle jette ses vêtements sous lui. Ce faisant elle se conforme à une ancienne pratique liée à l'intronisation d'un roi en Israël. On rapporte, par exemple, dans l'Ancien Testament, comment le prophète Elisée a oint le nouveau roi Jéhu. Il lui dit : "Ainsi parle le Seigneur : En te conférant l'onction, je te consacre roi d'Israël. Aussitôt chacun enlève son vêtement pour le mettre sous le roi" (II Rois 9. 12-13). Cette coutume a une double signification. D'abord, c'est une marque d'allégeance au souverain. En plaçant mon propre vêtement sous le Seigneur, c'est un peu comme si je me plaçais moi-même sous lui, sous son autorité, sous sa direction. Je déclare dépendre de lui. Je veux lui rester fidèle toujours. En tout je veux lui être soumis. En tout, je veux lui obéir. 

          Vous voyez, chers amis, qu'il ne suffit pas de chanter : Tu es mon Roi. Encore faut-il le traduire dans le concret de nos existences. Encore faut-il que nos vies lui soient totalement consacrées. Encore faut-il que nous cherchions à faire jour après jour sa volonté et non la nôtre, comme nous le faisons trop souvent. Quand nous prenons une décision, nous posons-nous la question : Est-ce bien là ce que Dieu veut maintenant ? Dans les choix de notre vie, petits ou grands, est-ce que nous le consultons ? Est-ce que  nous le prions ? Plaçons-nous notre vêtement sous ses pas ?

            "Ils étendaient leurs manteaux sur le chemin." Il s'agit du vêtement de dessus que les premiers chrétiens appelaient le pallium, une large bande d'étoffe qui se drapait autour du corps et reposait sur le bras gauche.  Cela me fait penser au pagne des Africains. Ils s'en revêtent traditionnellement pour les grands jours, pour les cérémonies, pour les invitations, pour les réceptions. Ils ne le mettent pas quand ils sont en famille,   ni pour le travail quotidien. C'est le vêtement noble qui marque une certaine dignité. S'en défaire témoigne d'une volonté de paraître humble. Voilà la seconde signification de ce geste.

            Pour la foule de notre texte, placer son "pagne" sous les pieds de son Messie était une façon de lui montrer du respect et de l'honorer. Et la meilleure manière d'honorer quelqu'un et de l'exalter, c'est de se faire tout petit devant lui. Dans le récit lu tout à l'heure, on a vu David devant l'arche de l'Alliance. Il ne la considère pas comme un simple coffre sacré. Elle est le symbole du Dieu qu'il adore. Elle est ramenée à Jérusalem et elle va entrer dans la ville sainte. Elle emprunte sans doute la même route que le cortège messianique des Rameaux. Et David joue et chante de joie devant elle. Il s'est défait de ses habits d'apparat. Sa femme Mikal le méprise et se moque de  lui. "Toi, le roi d'Israël, dit-elle,  tu t'es montré à moitié nu devant les servantes de tes serviteurs comme le ferait un homme de rien !" (II Sam. 6. 20) Et voici ce que David lui répond : "J'ai fait cela pour le Seigneur. C'est devant lui que je veux m'abaisser et me faire encore plus petit à mes propres yeux" (v. 22).

            A l'humilité de notre Maître, notre humilité doit répondre. A la gloire et à la grandeur de notre Seigneur, notre volonté de nous abaisser doit correspondre. Pas d'orgueil devant Dieu. Pas de sentiment de supériorité devant les frères et les autres chrétiens. Ni suffisance, ni arrogance devant les gens du monde. Que notre Seigneur Jésus-Christ nous remplisse des sentiments qui étaient en lui-même !

            Il a commencé à régner. Il va bientôt se manifester par son retour glorieux. Alléluia ! En l'attendant, soyons dans la joie, donnons-lui gloire, comme les rachetés de l'Apocalypse. Revêtons-nous, comme David, d'habits de fin lin. "Le fin lin, nous dit le texte, ce sont les œuvres justes ce ceux qui appartiennent à Dieu" (19. 8). Oui, l'acclamer comme Roi, l'attendre en écoutant ses ordres et exécuter en toute humilité les œuvres qu'il a préparées pour nous, voilà ce que je vous propose en cette fête des Rameaux. Accueillons-le comme il en est digne. Amen !
           
           





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