jeudi 18 octobre 2012

Fête de la Réformation

Aux sources du protestantisme

Exposé fait à Porto Vecchio le 5 novembre 2005

I. La réforme de Luther

 

On s'accorde généralement pour faire du 31 octobre 1517 le début de la Réforme. Ce jour-là, le prêtre de l'Eglise du Château à Wittenberg, en Saxe, affichait à la porte de l'Eglise 95 thèses pour dénoncer le système des indulgences. Le lendemain, jour de la Toussaint, les pèlerins allaient venir nombreux vénérer les reliques de la cathédrale et recevoir des indulgences en retour et c'est pourquoi le prêtre qui avait pour nom Martin Luther, avait choisi ce jour.
           Selon l'Eglise romaine, "une indulgence est le pardon, donné par elle, des peines temporelles qui sont notre lot ici-bas ou dans le purgatoire, après avoir reçu le pardon de nos péchés." Voici, en exemple, quelques-unes des 95 thèses de Luther :
         La sixième : Le Pape ne peut remettre aucune peine autrement qu'en déclarant et en confirmant que Dieu l'a remise.
         La vingt-septième : Ils prêchent des inventions humaines, ceux qui prétendent qu'aussitôt que l'argent résonne dans leur caisse, l'âme s'envole du purgatoire.
           La trente-sixième : Tout chrétien vraiment contrit a droit à la rémission entière de la peine et du péché, même sans lettre d'indulgence.
          La cinquantième : Il faut enseigner aux chrétiens que si le pape connaissait les exactions des prédicateurs d'indulgences, il préférerait voir la basilique de Saint-Pierre réduite en cendres plutôt qu'édifiée avec la chair, le sang et les os de ses brebis.                                                
          La soixante-deuxième : Le véritable trésor de l'Église c'est le très saint  Évangile de la gloire et de la grâce de Dieu.
          En quelques jours ces thèses vont être traduites  du latin dans la langue populaire, et se répandre comme une traînée de poudre dans tous les pays d'Europe. Elles allaient déclencher l'un des plus grands Réveils que l'Église ait connus : la Réformation.

Pour être concret, j'ai pensé qu'il serait bon qu'aujourd'hui, dans un premier temps,  nous essayions de comprendre comment le moine Luther est parvenu au message fondamental de la Réforme : La justification par la foi. En étudiant l'épître aux Romains il n'arrive pas à comprendre ce texte, au verset 17 du chapitre 1 : Le juste vivra par la foi. Il connaît beaucoup de luttes jusqu'à ce qu'il ait compris que la justice de Dieu n'est pas celle qui condamne le pécheur, mais celle qui le libère en Jésus-Christ. Luther, rappelons-le, s'était fait moine, croyant ainsi apaiser sa conscience. "Je gardais jour et nuit, écrit-il, avec le plus grand zèle et la plus grande fidélité le vœu que j'avais fait. Et malgré cela, je n'avais pas de paix, car toutes les consolations que je tirais de ma propre justice étaient sans effet… Des doutes continuels pesaient sur ma conscience, et je me  demandais : Qui sait si cela plaît à Dieu, si cela lui est acceptable ou non ?... Même dans mes moments de plus grande ferveur, je m'approchais de l'autel le cœur rempli de doutes et je m'en éloignais de même. Je me confessais, mais je doutais encore; je cessais de prier, je doutais toujours. Nous étions nourris de la conviction que nous ne pouvions ni prier, ni être exaucés à moins d'être entièrement purs, sans péché et semblables aux anges du ciel."

          C'est alors - et ceci est très important - que Luther rencontra Jean Staupitz, vicaire général des Augustins de la Thuringe. Staupitz était en avance sur son époque en ce qui concerne les vérités chrétiennes et c'est dans ce nouvel ami que Luther trouva un guide spirituel de la plus haute valeur. "C'est en vain, disait le jeune moine, que je fais toujours de belles promesses à Dieu, mais le péché l'emporte toujours. - Mon ami, lui répondit le théologien le plus autorisé de  la communauté, j'ai juré plus de mille fois au Dieu saint de vivre pieusement et je n'ai jamais pu tenir mon serment. Maintenant je n'ai plus l'intention de refaire de serment semblable, car je sais que je ne le tiendrai pas. Si Dieu refuse de me faire grâce pour l'amour du Christ, et de me donner une mort bienheureuse quand il m'appellera à quitter ce monde, je n'oserai me tenir devant lui malgré mes vœux et mes bonnes œuvres, et je périrai. Regarde aux plaies de Jésus, au sang qu'il a versé pour toi : c'est là que tu trouveras la grâce de Dieu. Au lieu de faire de toi un martyr pour expier tes péchés, jette-toi dans les bras du Rédempteur. Confie-toi en lui, à la sainteté de sa vie et au sacrifice qu'il a accompli sur la croix."
 Même encore au moment où Luther allait recevoir l'ordre de la prêtrise, il hésitait et, pendant la cérémonie,  il fut sur le point de quitter l'autel au comble du désespoir. L'idée d'être face à face avec Dieu, sans médiateur, le remplissait d'épouvante. "J'étais un effronté pharisien, dit-il; quand j'avais lu la messe et mes prières, j'y plaçais toute ma confiance et me reposais en paix. Je ne faisais plus attention au pécheur caché sous la soutane. Je me confiais plus en la justice de Dieu qu'en la mienne propre…"

            Luther se trouvait toujours au couvent quand une lumière plus abondante pénétra son âme. Il écrira plus tard : "Quand je commençai à méditer plus activement sur le sens de juste et justice de Dieu, dont la pensée autrefois m'effrayait; quand je commençai à comprendre que la justice acceptable aux yeux de Dieu n'est pas celle qui se révèle par les œuvres de la loi, depuis cette époque, oh! combien mes sentiments changèrent ! Je me disais : Si nous sommes justifiés par la foi, alors une telle conviction, loin d'alarmer la timide conscience d'un pauvre pécheur, le soutiendra et le consolera… J'avais le plus ardent désir de comprendre l'épître de Saint-Paul aux Romains, mais j'étais toujours arrêté par ce mot de justice au chapitre premier, où Paul dit que la justice de Dieu est révélée dans l'Evangile… Ma conscience troublée me donnait des moments d'angoisse. Nuit et jour je travaillais à comprendre l'idée de Saint-Paul.   Enfin j'arrivai à l'envisager ainsi : par l'Evangile nous est révélée la justice qui prévaut devant Dieu, une justice par laquelle Dieu dans sa grâce et sa bonté, nous justifie selon ce qui est écrit : "Le juste vivra par la foi." Aussitôt je me sentis né de nouveau. Il me semblait que les portes du paradis venaient de s'ouvrir toutes grandes devant moi. J'envisageai dès lors les saintes Écritures sous un jour tout nouveau. L'expression "justice de Dieu", que je haïssais auparavant, me devint chère et précieuse, elle fut pour moi la parole la plus consolante."  (John Stoughton, Martin Luther, pp. 69-70, 71, 72, 73).
Quant à la deuxième notion du texte des Romains, la foi, le moyen par lequel on arrive à la justice, c'est-à-dire au salut, rappelez-vous les paroles de Staupitz au jeune moine Martin : "Au lieu de faire de toi un martyr pour expier tes péchés, jette-toi dans les bras de Rédempteur. Confie-toi en lui, à la sainteté de sa vie et au sacrifice qu'il a accompli sur la croix." La foi, c'est cet abandon au Sauveur, cette confiance qu'il a tout accompli pour nous. La foi ce n'est pas une adhésion à une église ou à un credo. La foi a un objet, Jésus-Christ. Elle n'est pas indépendante de lui, de ce qu'il est venu faire sur la terre, de sa vie donnée, de sa résurrection.
Croire en Jésus, c'est bel et bien reconnaître que la peine, la punition du péché est tombée sur lui et, qu'à partir de là, je peux recevoir la justice de celui qui est mort à ma place. Du même coup, je n'ai plus à faire ni œuvres de quelque nature que  ce soit, ni pénitence pour quoi que ce soit. La foi seule suffit.
 La justice et donc le salut sont pour celui qui a la foi en Jésus-Christ. Il n'est pas juste par lui-même, mais il est déclaré juste par Dieu parce que Dieu le considère à travers son Fils. Approuvé de Dieu, il est en même temps libéré de l'oppression de ses fautes. Nous sommes là au cœur du message de la Réformation : La justification par la foi seule (sola fide).
  L'Église en place et ses théologiens ont tout fait pour empêcher les déclarations et les écrits de Luther de faire plus de dégâts. Les politiques, les chefs d'Etat prenaient position pour ou contre. L'Empereur Charles Quint qui voyait l'unité de son empire menacée convoqua la Diète à Worms, en 1520. Luther y fut convoqué pour s'expliquer. On avait apporté tous ses écrits et on l'enjoignit de dire si oui ou non il était prêt à se rétracter. Il répondit ceci : "Puisque Votre Majesté et Vos Seigneurs me demandent une réponse nette, je vais vous la donner sans cornes ni dents. Si l'on ne me convainc pas par des témoignages de la Sainte Écriture ou par des raisons évidentes, - car je ne crois ni au Pape, ni aux conciles seuls, puisqu'il est évident qu'ils se sont souvent trompés et contredits, - je suis lié par les Saintes Écritures que j'ai citées et ma conscience est prisonnière de la Parole de Dieu. Je ne peux ni ne veux rien rétracter, parce qu'il est incertain et dangereux d'agir contre la conscience. Que Dieu me soit en aide !" 
           Pour les protestants, Luther reste le champion de la Réforme parce qu'il a su se battre contre l'Empereur et contre le Pape. Mais il n'est ni le seul, ni le premier qui revint aux sources de la vérité.

II. La Réforme en France


           Avant lui, des idées de réforme bouillonnaient déjà un peu partout en Europe. C'est pourquoi les siennes se répandent avec le succès foudroyant que l'on sait. En France assez vite il y eut des "Luthériens" qui ont été tout de suite persécutés, comme le traducteur des écrits de Luther, Louis de Berquin, gentilhomme de la Cour de François Ier et qui fut brûlé vif en 1529.
 Mais dans notre pays un mouvement de pensée complètement indépendant de celui de Luther, avait pris naissance quelques années auparavant, en 1512. C'est celui du "Cénacle de Meaux". Il faut dire ici quelques mots sur l'influence de la Renaissance sur la Réformation.
 Quand, en 1453, les Turcs prennent la ville de Constantinople, les nombreux savants grecs qui se trouvaient dans la Capitale de l'Orient fuient l'Islam. Ils emportent avec eux les nombreuses richesses des bibliothèques. En Italie d'abord, puis dans toute l'Europe, ils sont à l'origine d'un grand essor intellectuel qu’on appelle la Renaissance. On se dégage des méthodes du Moyen-Âge et de sa scolastique. On reprend, pour les traduire et les étudier, les manuscrits authentiques des écrits de l'Antiquité y compris la Bible et l'œuvre des Pères de l'Église. On donne le nom d'humanistes à ces lettrés d'une grande exigence intellectuelle et dont les connaissances sont souvent très étendues. L'un des plus connus chez nous peut-être est Erasme de Rotterdam (1467(?)-1536) humaniste et prêtre hollandais fixé à Bâle. Il  publie dès 1516 un Nouveau Testament gréco-latin. La récente invention de l'imprimerie en facilite la diffusion. Malgré sa timidité et son incompréhension pour les idées de Luther, Erasme a fait l'œuvre d'un précurseur.
C'est ainsi que Lefèvre d'Etaples (du Pas-de-Calais), autre humaniste éminent et professeur éclairé, enseignait la philosophie et les lettres à Paris. Son ami Guillaume de Briçonnet, évêque de Meaux en Brie, l'invita à son séminaire. Lefèvre se mit à étudier les Ecritures. Dans un commentaire sur les épîtres de Saint-Paul, il affirmait avant Luther "que la Bible était le seul livre de vie et la règle pour les chrétiens, que la grâce était l'unique source de salut, les œuvres n'étant que les signes de la foi.″ Ce sont là déjà les grands principes de la Réforme. Il désapprouvait les prières en latin, le célibat des prêtres. Il disait que la messe "n'est pas tant un sacrifice réitéré qu'un acte de commémoration."
 Plus tard, il traduisit le Nouveau Testament en français. L'évêque Briçonnet, son ami, le répandit dans tout le diocèse de Meaux.  De là on l'étudia aussi à Bourges, à Alençon, à Lyon, à Grenoble et même à Paris. Les disciples de Lefèvre d'Etaples furent nombreux. On les appela les Bibliens. Parmi eux on rencontre Guillaume Farel, originaire du Dauphiné, et qui devint le grand réformateur de la Suisse romande. Il y avait aussi la propre sœur du Roi François 1er, Marguerite de Navarre, célèbre dans le monde des lettres par ses poèmes. Elle fut aussi gagnée par le message des Bibliens et se convertit.
Cependant les idées réformistes de Lefèvre d'Etaples sont combattues et il doit quitter Meaux. Il est protégé par la reine Marguerite et il se réfugia chez elle dans sa résidence de Nérac dans le Lot-et-Garonne où il mourut.
 C'est alors qu'un autre personnage français célèbre apparaît : Jean Calvin, né à Noyon en Picardie (1509). En ce temps-là, il fait des études de lettres. Il vient d'acquérir son grade de docteur en droit et il enseigne dans un des collèges du quartier latin à Paris. Son ami, Nicolas Cop, médecin du roi, est alors recteur de la Sorbonne, le grand centre de la Scolastique. Chaque année, au jour de la Toussaint, le recteur doit prononcer le discours d'ouverture dans une des églises de la capitale devant tout ce que la France possède d'élite intellectuelle.
  En ce mois d'octobre 1533, Nicolas Cop est fort préoccupé par ce discours, mais il pense qu'il doit saisir l'occasion magnifique de proclamer l’Evangile à la face de toute la France. Selon la coutume, il expliquera l'Evangile du jour, c'est-à-dire les Béatitudes prononcées par Jésus sur la montagne. Il y a là le cœur même de l'Evangile, mais il décide, vraisemblablement avec Calvin, de donner à ce qu'il va dire le titre plus académique de "Philosophie chrétienne".
Le 1er novembre étant arrivé, l'Université s'assemble en grande pompe dans l'Eglise des Mathurins. Plusieurs se montrent impatients d'entendre Cop. N'a-t-il pas soutenu la reine Marguerite de Navarre alors que les intégristes voulaient censurer un de ses poèmes, jugé trop évangélique ? Tous les dignitaires, professeurs, étudiants avaient pris place. Des théologiens chevronnés tendaient particulièrement l'oreille.
Nicolas Cop se leva et dit : "Messieurs, c'est une grande chose que la philosophie chrétienne. C'est une chose trop excellente pour qu'aucune langue ne puisse en exprimer la valeur et même qu'aucune pensée ne puisse la concevoir. Donnée par Dieu à l'homme par l'intermédiaire de Jésus-Christ lui-même, elle nous fait connaître ce vrai bonheur qui ne trompe personne. Elle nous donne de croire et de comprendre que nous sommes vraiment fils de Dieu. L'éclat de la splendeur de cette sagesse de Dieu éclipse toutes les lueurs de la sagesse du monde. Elle rend ceux qui la possèdent aussi différents de la multitude des autres hommes que cette multitude est différente des bêtes. L'esprit de l'homme, ouvert et agrandi par la main divine, comprend alors des choses infiniment plus sublimes que toutes celles qui sont connues de notre faible humanité.
"Qu’elle doit être admirable,  qu'elle doit être  sainte,  cette philosophie divine ! En effet, pour l'apporter aux hommes, Dieu lui-même a voulu devenir homme. Pour nous l'apprendre, l'immortel s'est fait mortel. Dieu pouvait-il mieux nous manifester son amour qu'en nous donnant son Verbe éternel ? Quel lien plus intime et plus ferme pouvait-il établir entre lui et nous ?

           "Messieurs, poursuit le Recteur Cop, louons les autres sciences, je suis d'accord. Admirons la dialectique, la philosophie naturelle, l'éthique, elles sont très utiles. Mais qui oserait les comparer à cette autre philosophie, d'un genre à part, qui expose ce que tous les philosophes ont longtemps cherché et n'ont jamais trouvé : la volonté même de Dieu ? Et qu'est-ce que cette volonté cachée qui nous est ici révélée ? Cette volonté, la voici : c'est la grâce de Dieu seule qui pardonne les péchés. Le Saint-Esprit sanctifie les cœurs. Il apporte la vie éternelle. Il est promis à tous les chrétiens.
 "S'il y a quelqu'un parmi nous qui ne loue pas cette science par-dessus toutes les autres, je lui demande : Que trouvera-t-il à louer ? Faut-il charmer l'esprit de l'homme, faut-il donner à l'homme le repos du cœur, le faire vivre une vie sainte, heureuse ? La philosophie chrétienne lui fournit  tous ces biens admirables et en abondance. En même temps, comme un frein salutaire, elle dompte les impulsions mauvaises de notre âme. Messieurs, la gloire et la dignité de cet Évangile sont grandes et je me réjouis de ce que la charge dont je suis revêtu m'appelle à vous les exposer."
          Inutile de prolonger pour vous ces paroles du recteur de la Sorbonne. Après cette introduction, il parla du bonheur de ceux qui sont pauvres spirituellement, de ceux qui sont affligés, de ceux qui ont faim et soif de justice et même de ceux qui sont persécutés pour la justice.  Il était sorti des formules conventionnelles. Il y avait dans son discours une simplicité et une vie qui contrastaient avec la sécheresse et l'emphase des anciens docteurs. Il avait osé mettre de côté tout ce qui n'était pas en rapport avec l'Evangile dans la tradition de l'Église.
 Ce discours provoqua dans l'université un grand malaise. Cop aurait-il les idées des Luthériens ou des Bibliens ? La moitié de ses auditeurs était pour lui, l'autre moitié contre. On saisit le Parlement. Nicolas Cop se sentant menacé s'enfuit à Bâle où se trouvaient Erasme et Oecolampade, un autre humaniste qui devint le Réformateur de cette ville. Jean Calvin, lui, quitta la capitale pour se réfugier chez des amis.
          Mais ce discours, qu'il avait inspiré à Cop - certains même disent qu'il le lui aurait écrit - renferme les principales doctrines de la Réforme, tout ce que nous annonçons encore aujourd'hui. Et voici ces vérités : 1°) L'Écriture sainte est notre seule autorité,  elle est supérieure à la tradition et à notre raison humaine. Elle est notre seule règle de foi et de conduite (sola scriptura). 2°) Le salut est gratuit, il n'est donc dû qu'à la seule grâce de Dieu (sola gratia). 3°) On reçoit ce salut seulement si l'on met toute sa foi, sa confiance en Jésus-Christ, le fils de Marie, seul intermédiaire entre Dieu et les hommes (sola fide).

III. LA REFORME EN SUISSE
          Avant de terminer, il faut dire  quelques mots de ce qui se passe à peu près à la même époque du côté de la Suisse alémanique. Il y a là un admirateur d'Erasme, Ulrich Zwingli (1484-1531) né à Wildhaus (Toggenburg). A 22 ans il est déjà prêtre à Glaris (1506-1516), puis prédicateur au couvent d'Einsiedeln, deux petites localités de la Suisse centrale. Ses prédications deviennent de plus en plus centrées sur la Bible, mais il ne rompt pas avec l'Église. Plus tard il écrira "En 1516, c'est-à-dire à un moment où le nom de Luther était inconnu dans nos contrées, j'ai commencé à prêcher l'Evangile de Christ. J'ai appris la doctrine de Christ, non de Luther, mais de la Parole de Dieu".
  Nommé à 35 ans à la cathédrale de Zurich (1519), il réussit à faire adopter la Réforme par le Conseil de la ville. Le culte et la constitution de l'Église sont complètement transformés. Rien n'est conservé qui ne puisse être justifié par les Écritures. En 1525, il publie  un "Commentaire de la vraie et de la fausse religion", qu'on peut considérer comme la première dogmatique réformée. Très patriote, Zwingli suit l'armée comme aumônier et meurt sur le champ de bataille en 1531. Sa réforme est adoptée par plusieurs autres villes de Suisse, Saint-Gall, Schaffhouse, Berne, Bâle. C'est le réformateur Bullinger qui continuera son œuvre et fera adopter la Confession de foi helvétique reconnue par toutes les Églises Réformées.
IV. La réforme radicale des Anabaptistes
A Zurich, Conrad Grebel, un savant lettré, Félix Manz, un hébraïsant distingué, sont dans le sillage de Zwingli. Mais ils veulent une réforme plus "radicale". Ils refusent l'immixtion de l'Etat dans les affaires religieuses et veulent une Église libre de toute contrainte gouvernementale. Ils se séparent donc de leur maître et organisent une communauté selon le modèle de l'Église primitive. Ils adoptent le baptême des adultes qui se sont repentis et convertis après avoir accepté par la foi Jésus comme Sauveur. Ils rebaptisent donc ceux qui l'ont été comme enfants, d'où leur nom d'anabaptistes. Très rapidement ils se répandent en Suisse, en Allemagne et en Bohème.
Leur attitude se caractérise par le refus du serment à l'Etat et leur principe de la non-violence. Leur éthique est fondée sur l'amour et ils désirent réaliser des "communautés saintes" dont les membres soient parfaits (selon la parole du Christ dans le Sermon sur la Montagne). Ils pratiquent le prophétisme se disant conduits par une "lumière intérieure". Le Conseil de Zurich prit des mesures répressives contre eux. Grebel mourut en prison, Manz  fut noyé dans la Limmat (Par l'eau il a péché, par l'eau il sera puni !) et partout où ils s'établirent ils furent persécutés aussi bien par les catholiques que par les Luthériens.
Malheureusement un petit nombre d'entre  leurs prophètes se mirent à annoncer la venue prochaine du règne de mille ans et un certain Jean de Leyde crut l'établir à Münster, en Westphalie. Son gouvernement sombra dans l'immoralité, les orgies, la cruauté et le ridicule sous les coups de l'armée épiscopale. Mais un ancien prêtre converti, Meno Simons (1492-1559), réussit par sa parole et ses écrits pendant 25 ans et jusqu'à sa mort en 1559 à réorganiser les communautés anabaptistes et à les ramener à leurs tendances primitives. En signe de reconnaissance les fidèles prirent le nom de Mennonites.
Conclusion
1.      Vous le voyez, dès le départ le protestantisme est pluriel. J'aurais pu appeler cet exposé naissance des protestantismes. Je ne l'ai pas fait parce que, quels que soient les hommes et les doctrines, ils ont tous en commun les trois principes de la Réforme que j'ai déjà  mentionnés : sola scriptura l’Ecriture seule, sola gracia par la grâce seule, sola fide par la foi seule.
2.     On a dit parfois que la Réforme a engendré un retour à la Bible, mais avant tout c'est le retour à la Bible qui a amené la Réforme. Même si l'on peut discerner d'autres causes à ce grand mouvement, des causes politiques, sociales, morales, ce retour aux sources en est la  principale. La Réforme fut d'abord un renouveau spirituel. Il est vrai aussi qu'un des premiers soucis des Réformateurs fut de mettre la Bible entre toutes les mains dans la langue du peuple. Luther traduisit le Nouveau Testament en 1922 et termina la traduction de toute la Bible en 1534. Sa version est le premier monument de la langue allemande classique. La Bible de Zurich, traduite par Zwingli, avait paru en 1531. Dès 1523 Lefèvre d'Etaples publie sa version française du Nouveau Testament et en 1528 l'Ancien Testament paraît à Anvers en 1528. Cette version française est la mère des versions françaises. Olivétan, un cousin de Jean Calvin, la reprend et, sur la base des manuscrits hébreu et grec fait paraître à Neuchâtel sa traduction en 1535. Diversement révisée (par Martin, Ostervald) elle a été en usage jusqu'à l'époque de mes grands-parents.
3.     Nous avons donc un héritage bien précieux. Nous avons à en être conscients et à le mettre en valeur en imitant la foi de ceux qui nous ont précédés.
                                                                           Pasteur André Grandjean

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