samedi 31 mars 2012

Les fêtes : LA PÂQUE JUIVE



"Je suis le Seigneur. Le sang vous servira de signe…
 Je verrai le sang et je passerai par-dessus…" (Exode 12. 12, 13)

Lectures : Livre de l'Exode, chapitre 12, versets 1 à 15
                   Première épître de Paul aux Corinthiens, chapitre 5, versets 1 à 8
                   Évangile de Luc, chapitre 22, versets 7 à 20 

         Dans ce livre de l'Exode, nous nous sommes arrêtés sur l'œuvre de salut que le Seigneur allait accomplir pour son peuple d'Israël dans la servitude, œuvre caractérisée par ces quatre mots : exode (sortie), libération, rédemption, adoption. Mais Dieu n'avait pas dit comment, par quel moyen les descendants de Jacob seraient sauvés. Nous allons le découvrir maintenant en méditant ce chapitre 12 de l'Exode. 
                                                                        
         Chez les Bétés, une ethnie de Côte d'Ivoire, quand une femme donne naissance à des jumeaux, c'est un événement extraordinaire. Selon la croyance ancestrale, ces enfants courent un grave danger. Ils sont la visée de toutes sortes de puissances maléfiques : un sorcier, quelque mauvais esprit, un ennemi sournois. Il faut donc absolument éviter le pire. Alors, avec des piquets et des branchages, on confectionne devant la case une palissade qui forme une espèce de sas obligatoire. L'entrée de ce sas se fait entre deux poteaux. En y passant, je remarquai qu'ils étaient maculés de sang séché sur toute la hauteur. On avait donc sacrifié, selon la coutume, un petit coq blanc, ou peut-être un cabri ou un agneau blanc. Ce jour-là nous étions invités à rendre visite à deux mignonnes fillettes. Les parents, qui avaient mis le sang sur ces piquets, pensaient qu'elles seraient bien protégées. Encore maintenant, je me demande si quelque souvenir lointain de la Pâque israélite n'a pas pu pénétrer jusqu'au fond de la forêt tropicale.

Pourquoi Dieu a-t-il ordonné de mettre du sang ? Ce n'était pas n'importe quel sang, mais celui d'un agneau, premier-né, sans défaut et âgé d'un an. Chaque famille était tenue de le réserver le 10 du premier mois de l'année religieuse (vers mars avril). Et le 14 de ce mois, le mois de nisan, on devrait l'égorger en sacrifice, prendre son sang et le mettre sur les poteaux et les linteaux des portes. Quand Dieu allait passer pour infliger un ultime jugement à l'Egypte, il verrait le sang et il épargnerait la maison de ceux qui auraient cru la parole de ses envoyés. Il passerait par-dessus. Sinon tous les premiers-nés, des hommes comme des bêtes, seraient frappés de mort.

Cette action de passer par-dessus sans toucher, d'épargner, se dit chez les Hébreux le Pessah qu'on traduit la Pâque. On en est venu à utiliser le même mot pour désigner la victime, l'agneau pascal, de même que la fête que Dieu institua en mémoire de ce jour. On peut donc voir cette dernière intervention du Seigneur en Egypte, non seulement comme un jugement, mais comme un jour de grâce. Car, quelque part, si des Egyptiens mêmes s'étaient protégés par le sang, ils auraient été sauvés.       

Le sang a-t-il un pouvoir magique qu'il suffirait d'en badigeonner l'entrée de nos maisons pour être protégés ? Non, mais ce sang, dit le Seigneur, nous est donné comme signe. Il provient d'un sacrifice. On a mis à mort une victime tuée d'une mort violente (le sang a coulé). Mais en quoi cela est-il nécessaire ? L'Ecriture dit que "Sans effusion de sang, il n'y a pas de pardon" (Héb. 9. 22). En fait, la victime innocente qu'on immole pour le Seigneur est une victime expiatoire. Elle meurt à la place de ceux qui offrent le sacrifice. Dieu a appelé Israël qu'il appelle "son premier-né" (Ex. 10. 22). Il était dans un pays étranger, sans existence nationale propre, prisonnier d'un système oppressif. Il habitait au milieu d'un entourage idolâtre et païen. Il vivait sous son influence et participait à ses péchés et à sa corruption. Il devait mourir, comme les premiers-nés d'Egypte. Il était passible de jugement et méritait la colère de Dieu. Mais ce jugement tombe sur un autre pour satisfaire la justice de Dieu, selon sa volonté. Cette substitution de la peine permet au Seigneur d'exercer sa grâce et de se montrer favorable, propice. C'est pourquoi on dira aussi que l'agneau pascal est une victime propitiatoire, qui rend Dieu propice. Le pécheur qui se place symboliquement sous le sang n'est pas condamné. Il n'est pas atteint par le jugement qui passe "par-dessus". Il est sauvé.

Ce chapitre de l'Ancien Testament est capital pour comprendre la révélation de Dieu. Quand notre Seigneur Jésus, ressuscité, expliqua aux deux disciples d'Emmaüs tout ce qui le concernait dans l'Ecriture, j'imagine qu'il a dû passer plus de temps sur ce passage. En effet, la Pâque juive est comme une prophétie en action, une préfiguration de ce qu'allait accomplir le Fils de Dieu pour notre salut. L'agneau pascal est ce qu'on appelle un "type" de Jésus-Christ.

Cette Pâque, c'est bien lui, le Seigneur Jésus, qui est offert en sacrifice, comme l'écrit Paul aux Corinthiens : "Christ, notre Pâque, a été immolé" (I Cor. 5. 7). C'est lui, "l'agneau sans défaut et sans tache" dont le sang précieux nous rachète "de la vaine manière de vivre héritée de [nos] pères", comme l'a aussi écrit l'apôtre Pierre (I Pi. 1. 19). C'est lui, "la victime propitiatoire pour nos péchés" selon les propres termes de la première épître de Jean (2. 2). Il est celui qui meurt à la place de ceux qui méritent le jugement. Il est le Saint, le Parfait, mis à mort en faveur de tous ceux qui se confient en lui. Son sang a coulé, à lui, l'Innocent frappé pour des coupables, le Juste donnant sa vie pour des injustes. C'est pourquoi Jean-Baptiste s'est écrié en le désignant : "Voici l'Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde" (Jn 1. 36). 

Les Israélites, après avoir immolé l'agneau pascal, devaient le manger entièrement. Une manière de s'approprier le signe de leur délivrance. Ils y ajoutaient des herbes amères, rappelant la dure période de leur servitude. Ils l'accompagnaient de pains azymes, c'est-à-dire sans levain. Et pendant 8 jours ils ne mangeaient que des pains azymes. Rappelons-nous que le levain est fait de pâte de la veille, qui contient un peu de pâte de l'avant-veille, qui elle-même provient du jour d'avant, etc. Le pain sans levain indique donc une rupture d'avec le passé. Il est quelque chose de neuf. Avant la fête de la Pâque et jusqu'à aujourd'hui, les Juifs pieux procèdent au grand nettoyage de leur maison. Car il faut qu'il ne reste aucune miette de vieux pain. Belle image de la vie nouvelle qui commence le jour de notre salut et qui ne laisse plus de place aux anciennes habitudes.

Enfin, ce jour de l'Exode, on mangeait la Pâque "à la hâte", précise le texte (v. 11), dans la tenue d'un voyageur qui va prendre la route : ceinture à la taille, sandales aux pieds et bâton de pèlerin à la main. C'est ainsi que celui qui est passé par la purification de ses péchés et qui désire se nourrir de Christ, se met en marche. Il ne peut rester dans un fauteuil. Jésus disait à ses disciples : "Je vous ai choisis… afin que vous alliez et que vous portiez du fruit" (Jn 15. 16).

C'est au cours du repas pascal que Jésus a institué la sainte cène. Dans quelques heures, il allait être arrêté et emmené "comme un agneau que l'on conduit à l'abattoir" (Es. 53. 7). Alors il prend les éléments communs d'un repas, le pain, signe de son corps offert en sacrifice pour notre libération et le fruit de la vigne, signe de son sang versé pour nous. Et de même que la Pâque juive perpétuait le souvenir de cet agneau immolé pour la délivrance d'Israël, de même nous prenons la cène en mémoire de Celui qui est mort pour notre salut.

Les tout premiers chrétiens ne célébraient pas nos fêtes, comme celle de Pâques, de Pentecôte, de Noël… Seulement, le premier jour de la semaine, le jour du Seigneur, on se réunissait pour rompre le pain. C'était un jour de fête en souvenir de la résurrection de Jésus-Christ. L'apôtre Paul, que j'ai cité tout à l'heure, dit dans la même phrase : "Christ, notre Pâque, a été sacrifié. Célébrons donc la fête, non pas avec du vieux levain, ni avec un levain de malfaisance et de méchanceté, mais avec les pains sans levain de la pureté et de la vérité" (I Cor. 5. 8).

Souvenons-nous de tout cela quand nous fêtons notre propre fête de Pâques, ce jour où nous célébrons la résurrection de Christ. En fait nous ne pourrions pas le faire si, auparavant, il n'y avait eu le jour de Vendredi-Saint, qui commémore sa passion et sa mort. Chantons donc avec les myriades d'anges dans le ciel : "L'Agneau qui a été immolé est digne de recevoir puissance, richesse, sagesse, force, honneur, gloire et louange" (Apoc. 5. 12).
Prédication  du 23 mars 2008 à Salon-de-Provence


Note : Vers la fin du IIème siècle, on a le souci d'introduire des coutumes identiques partout dans l'Eglise. Tous ne sont pas d'accord. Il y a concurrence entre deux grandes capitales religieuses, Rome, qui veut imposer sa date, et Smyrne en Asie Mineure. Ce n'est qu'en 325 (IVème siècle), au Concile œcuménique de Nicée que la date de Pâques est fixée. Ce sera le premier dimanche après la pleine lune qui suit l'équinoxe de printemps (21 mars). Cette fête oscille donc entre le 22 mars et le 25 avril.


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